Krzysztof Penderecki
A quatre-vingt ans passés, Krzysztof Penderecki est incontestablement la figure la plus importante de la musique polonaise du second vingtième siècle. La guerre passée, il peut poursuivre sa formation musicale à l’Académie de musique de Cracovie où il travaille notamment avec Arthur Malawski et Stanisław Wiechowicz, deux spécialistes de la musique chorale. Dans une Pologne communiste (mais peut-être un peu plus ouverte que d’autres pays du bloc soviétique), Penderecki devient lui-même en 1958 enseignant dans cette même académie, en ayant pu découvrir et assimiler les sériels ou Stravinski. L’année suivante, il se fait remarquer lors de l’Automne musical de Varsovie grâce à Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima, œuvre puissante et abrupte, encore influencée par le sérialisme. La reconnaissance internationale grandit, et au festival de Donaueschingen son Fluorescences ne passe pas inaperçu en 1960. Sa foi catholique s’illustre dans de nombreuses pièces d’inspiration sacrée, comme la Passion selon Saint-Luc, le Dies irae, le Canticum canticorum salomonis, ou le Magnificat, alors que dans le même temps, le musicien mène des expérimentations sonores très poussées sur les types de jeux dans la série des De Natura sonoris. En 1969, il s’illustre dans le genre alors moribond de l’opéra avec Die Teufels von Loudun, créé à Hambourg. Déjà latent, un revirement esthétique s’opère dans la décennie suivante, revirement qui culmine avec la Symphonie n°2, « Chant de Noël » en 1980 : forme classique, retour de la tonalité, mélodies simples et lancinantes issues de la tradition populaire, longues plages statiques. Penderecki s’exclut lui-même de l’avant-garde mais devient de plus en plus incontournable dans la musique d’aujourd’hui, en témoignent le Concerto pour violoncelle n°2 commandé par Mstislav Rostropovitch, le Requiem polonais, ou la Symphonie n°4, écrite à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française.
Dans une Pologne libérée du joug communiste, Penderecki est un patriarche heureux, cultivant son jardin dans son grand domaine près de Cracovie. Idéale pour les moments de communion et de célébration, sa musique est devenue universelle, et c’est tout logiquement que les plus grands interprètes et les plus grandes institutions se tournent vers lui : la ville de Jérusalem pour la Symphonie n°7 « Les sept portes de Jérusalem », la Philharmonie du Luxembourg pour son inauguration avec la Symphonie n°8 « Lieder der Vergänglichkeit », Anne-Sophie Mutter pour le Concerto pour violon n°2, Janine Jansen et Julian Rachlin pour le Double concerto pour violon et alto… Après les opéras Le Masque noir et Ubu Rex, Penderecki travaille en ce moment à un nouveau projet lyrique inspiré par la Phèdre de Racine.