10 août 2016
Les interprètes : David Petrlik, Amaury Coeytaux, Manuel Vioque-Judde, Mathis Rochat, Yan Levionnois, Victor Julien-Laferrière, Guillaume Vincent
Till Eulenspiegel, Don Juan, Elektra, Le Chevalier à la rose : ce n’est pas sa musique de chambre mais ses poèmes symphoniques, ses opéras et ses quatre derniers lieder qui ont permis à Strauss de se faire un nom dans l’histoire de la musique. Le cadre intime de la musique instrumentale lui servit plutôt de laboratoire qu’il s’empressa de quitter pour les espaces plus vastes de l’orchestre, plus propices à son imagination. Dans sa jeunesse, Strauss n’aura en effet tenté qu’une sonate pour violon et piano, un quatuor avec piano, comme Mahler, et la présente sonate pour violoncelle et piano.
Il faut d’ailleurs avouer qu’il est quasiment impossible deviner l’auteur de Salomé et de Mort et Transfiguration derrière cette œuvre si manifestement marquée par le romantisme, hantée par le souvenir de Mendelssohn, de Schumann et de Brahms. Tout au plus pourrait-on considérer straussienne la puissance conquérante de l’allegro con brio qui confie aux deux instruments un appel mobilisateur que le violoncelle prolonge par une tournure plus mélodique. Puis le piano présente le second thème, plus grave, plus sombre, en mode mineur.
Après ce mouvement passionné, mené tambour battant, l’andante ma non troppo central contraste par son économie de moyens et son ton de confidence intime : les deux instruments parlent souvent d’une même voix. Un allegro vivo, aérien, espiègle, presque désinvolte, qui rappelle le Mendelssohn papillonnant, termine avec une vaillance parfois un peu contrainte cette page rarement jouée.
Page également de jeunesse, signée d’un Brahms de vingt-sept ans, le sextuor opus 18 est autrement plus connu. Le cinéma lui a notamment permis une large diffusion : Louis Malle fera du mouvement lent le leitmotiv de son film Les Amants tourné en 1958 avec Jeanne Moreau. Mais s’il ne pensait évidemment pas au cinéma quand il entreprit ce sextuor, Brahms entendait sans doute l’orchestre sans encore oser l’approcher. Brillant pianiste, il avait confié à son instrument ses premiers opus, des sonates, des variations, des ballades, des lieder, un concerto. Les premiers quatuors intégreront le piano et les premières pages pour cordes ne sont pas des quatuors mais des sextuors.
Malgré son jeune âge, le compositeur se montre hostile à la musique moderne de Wagner et préfère la discipline de l’école des anciens. Il restera donc fidèle aux modèles du classicisme comme en atteste ce sextuor pour deux violons, deux altos et deux violoncelles.
Fidèle mais non figé puisque le premier mouvement, allegro ma non troppo, en si bémol majeur, réunit trois thèmes, comme souvent Bruckner, au lieu des deux traditionnels. Le premier violoncelle présente le premier, ample et majestueux, espressivo, sur un nombre impair (neuf) de mesures, aussitôt repris par le premier violon et le premier alto. Les violons, les premiers alto et violoncelle expose le deuxième sujet, pianissimo et dolce dans la tonalité
inattendue de la majeur, sur les pizzicatos des seconds alto et violoncelle. Le premier violoncelle se charge du troisième, animato, en fa majeur, avec le renfort du premier violon. Dans le mouvement lent, Brahms rappelle son attachement aux formes anciennes et à une des plus usitées, la variation. Le premier alto fait entendre le sujet, douloureux, presque résigné et saccadé de rythmes pointés tandis que les autres cordes graves marquent les temps. Six variations suivront. C’est la mélodie qui accompagne Les Amants. Les deux violons annoncent le scherzo aux accents rustiques sur les pizzicatos des violoncelles. Le trio central, animato, joue d’une descente et montée en notes jointes et entretient ce mouvement perpétuel. Le finale, en forme de rondo
(refrain et couplets) étonne par son allure modérée (poco allegretto e
grazioso) et son idée principale à priori plus propice au mouvement
intermédiaire d’un divertissement (une autre allusion au classicisme ?) qu’à la conclusion d’une pièce romantique.