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8 août 2023

22e Août musical de Deauville - mardi 08 août 2023
Salle Elie de Brignac-Arqana -

Les interprètes : Anton Hanson, Jules Dussap, Gabrielle Lafait, Simon Dechambre, Joë Christophe

JOHANNES BRAHMS

Quintette pour clarinette et cordes en si mineur op. 115

À la fin des années 1880, l’activité créatrice de Johannes Brahms a considérablement ralenti. Les reconnaissances officielles et distinctions s’accumulent : l’empereur François-Joseph lui remet l’ordre de Leopold, la ville de Hambourg le nomme citoyen d’honneur… Brahms se sent en fin de carrière, tant et si bien qu’il est décidé : son Quintette à cordes op. 111, qu’il compose pendant l’été 1890, sera sa dernière œuvre. Mais au début de l’année suivante, à l’occasion d’un voyage à Meiningen, Brahms retrouve au sein de l’orchestre ducal un clarinettiste qu’il avait rencontré quelques années auparavant, Richard Mühlfeld (1856-1907). Les deux musiciens passent du temps ensemble, Brahms prêtant une attention toute particulière à la clarinette et aux techniques qu’utilise son ami. À son retour à Vienne puis à Bad Ischl, le virus de la composition le reprend ; et voilà qu’il écrit coup sur coup le Trio pour clarinette, violoncelle et piano op. 114 et le Quintette pour clarinette et cordes op. 115.
Les commentateurs ont beaucoup souligné l’attachement de Johannes Brahms aux formes traditionnelles de la musique de chambre. Avec ses quatre mouvements correspondant à l’habituel enchaînement d’un mouvement vif complexe avec une pièce lente, un scherzo sautillant et un finale enlevé, l’architecture du Quintette op. 115 vient a priori confirmer cette théorie. Mais Brahms donne à l’ensemble une étonnante unité de caractère, une douceur mélancolique qui se glisse jusqu’en première partie du scherzo, dans un Andantino ressemblant à un écho de sérénade. Quant au thème du finale, il prend l’allure d’un choral sacré avant que les variations ne viennent orner instrumentalement ce chant sans paroles. Au lieu de donner ensuite à son ouvrage la conclusion spectaculaire attendue, Brahms jette un regard en arrière et reprend une ultime fois le premier thème de l’Allegro initial.
Dès ce thème, on a pu sentir que le souffle de la clarinette allait donner à l’ensemble de la partition un lyrisme teinté de nostalgie ; et la fluidité avec laquelle Brahms passe d’une idée à une autre, entrecroise les motifs, brouille les contours des formes académiques, contribue pour beaucoup à la prégnance de ce sentiment. Dans l’Adagio, cette expressivité atteint un niveau bouleversant : dans cette pièce qui semble se souvenir du Quintette pour clarinette et cordes de Mozart, la texture ouatée des cordes en sourdine fait entrer le chant dans une autre dimension, comme allant puiser l’inspiration au fond des âges – tandis que la partie centrale du mouvement, avec ses échappées tziganes, semble creuser la terre de Brahms pour mieux en tirer l’essence musicale.

LUDWIG VAN BEETHOVEN

Quatuor à cordes n° 14 en ut dièse mineur op. 131

« Dans les derniers quatuors à cordes, des expériences spirituelles sont transmises dont il est très difficile de désigner les éléments », écrivit John William Navin Sullivan à propos de l’ultime corpus beethovénien. Essayons cependant : dans le Quatuor op. 131, tout commence par un bref motif, comme souvent chez Beethoven. Trois notes ascendantes, étirées puis rompues par la chute sur une quatrième qui déclenche le flux naturel du reste du sujet ; ainsi commence la fugue qui elle-même ouvre cette œuvre étrange qui décontenança bien des auditeurs sur plusieurs générations. Richard Wagner entendit dans ce premier mouvement « une prière de contrition, le conciliabule avec Dieu de l’homme qui croit au Bien éternel », Hector Berlioz un chaos qui semble peu à peu « se débrouiller ». Qui croire, qui suivre ? Difficile, d’autant que Beethoven se plaît ensuite à brouiller les pistes, mélanger les styles, passer de la fugue sacrée à la danse populaire, de la lumière intense à la noirceur la plus profonde, éclater de rire puis de rage, insérer deux transitions qu’il numérote au même titre que les cinq « véritables » mouvements, faisant presque passer son ouvrage pour un cycle de bagatelles.
Cette partition est-elle « faite de morceaux volés à droite et à gauche et mis ensemble », comme l’écrit malicieusement Beethoven à son éditeur Schott ? Il suffit d’entendre, au début du sixième mouvement, revenir le fameux motif des trois notes d’ouverture (énoncé cette fois-ci à rebours par l’alto) pour comprendre qu’il s’agit d’une œuvre moins disparate qu’elle pourrait en avoir l’air. D’ailleurs, une parenté relie les deuxième et quatrième mouvements, tous deux bâtis sur des lignes mélodiques fluides, alors que les cinquième et septième ont en commun à l’inverse d’être constitués d’arpèges brisés, exposés dans un caractère agressif. Rupture et continuité, violence terrible et douceur extrême se donnent la main dans cette œuvre écrite pendant le premier semestre de l’année 1826, par un compositeur à la santé déclinante et obnubilé par la relation d’amour et de haine mêlés qui l’unit à son neveu.
« S’agissait-il vraiment d’un quatuor ou du rêve le plus fou, entre cauchemar et idylle ? » s’interroge le musicologue Rémy Stricker. Le Quatuor op. 131 est sans doute tout cela à la fois : un puissant et déconcertant concentré d’art beethovénien, une œuvre-monde qui fait tenir dans quatre archets les élans de l’« Eroica », la révolte de la Cinquième Symphonie, la légèreté de la Huitième, la foi de la Neuvième, les certitudes de Wagner, les songes de Berlioz, la stupeur des spectateurs d’hier et les attentes des auditeurs d’aujourd’hui.

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8 août 2023
© Yannick Coupannec

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