Ludwig van Beethoven
En 1792, le jeune Beethoven quitte sa ville natale et les bords du Rhin pour suivre le conseil de son protecteur Ferdinand von Waldstein et recevoir à Vienne, « l’esprit de Mozart des mains de Haydn ». Le classicisme viennois trouve alors son troisième mousquetaire avec ce musicien aussi doué qu’insolent, qui hérite du langage et des formes laissés par ses aînés pour les porter à un tel degré d’accomplissement et de perfection qu’il intimidera pour près d’un siècle quiconque cherchera à écrire sonate, symphonie ou quatuor. Entre estime et jalousie, les leçons avec Haydn font long feu, tout comme celles avec Salieri et Albrechtsberger : Beethoven doit certes encore parfaire une éducation musicale qu’il doit à son père et à Christian Gottlob Neefe à Bonn… mais il a déjà tant de choses à dire ! Dans la capitale autrichienne, ses improvisations débridées au piano impressionnent autant qu’elles effraient, et ses premières œuvres publiées (Trois trios opus 1, Trois sonates opus 2, …) marquent d’emblée un créateur au-dessus de tous les autres. Au tournant du siècle, Beethoven a ainsi abordé avec succès tous les genres chers à Haydn (la série des six quatuors opus 18, la 1ère Symphonie en 1800) mais traverse, avec la conscience de sa surdité grandissante, une grave crise personnelle dont le Testament d’Heiligenstadt (1802) est le bouleversant témoin. Cette épreuve (dé)passée, la décennie qui s’ouvre sera pour Beethoven celle d’une moisson continue de chefs-d’œuvre, méritant bien son surnom de « période héroïque » : la symphonie du même nom, la fameuse 5e, dite du Destin, la 6e Pastorale, l’exubérante 7e, l’opéra Fidelio, le Concerto pour piano L’Empereur, les sonates Waldstein et Appassionata pour piano, Sonate à Kreutzer pour violon, les trois quatuors dédiés Razoumovsky, Trio à l’archiduc… Nouvelle crise en 1812, et nouvelle missive non envoyée à l’instar du Testament d’Heiligenstadt : la Lettre à l’immortelle bien-aimée révèle un Beethoven malheureux en amour, et de plus en plus isolé dans une Vienne qui se grise au son des opéras de Rossini et se raidit sous la menace de la police de Metternich. Alors qu’il se débat pour obtenir la garde son neveu Karl, le compositeur est gravement malade durant les années 1816-1817, mais se relève une fois de plus pour produire dans la décennie qui lui reste à vivre une musique pour « les temps à venir » : ce seront bien sûr les universels et fraternels Missa solemnis et 9e Symphonie, mais aussi dans le domaine instrumental les dernières sonates pour piano et les Variations Diabelli, sans oublier la série des visionnaires derniers quatuors à cordes.