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22 avril 2019

23e Festival de Pâques de Deauville - lundi 22 avril 2019
Salle Elie de Brignac-Arqana -

Les interprètes : Philippe Hattat, Théo Fouchenneret, Trio Xenakis

THIERRY DE MEY

Musique de tables (1987)

« Une pièce pour percussions autant qu’un petit ballet de mains. » C’est en ces termes que le compositeur Thierry de Mey décrit Musique de tables, oeuvre dont il a lui-même assuré la création en 1987 avec deux partenaires percussionnistes. Sur le plan formel, il s’est inspiré de la suite baroque : un rondo, un fugato et un galop sont encadrés par une ouverture et une récapitulation, le tout suivi d’une coda. L’oeuvre est par ailleurs autant chorégraphique que musicale, autant visuelle que sonore : les percussionnistes usent de leurs seules mains sur des petites tables, selon des gestes très codifiés. Le compositeur a mis au point pour l’occasion un répertoire de symboles qui, portés sur la partition, indiquent aux musiciens les figures à utiliser : la volte, la dactylo, les essuie-glaces, les pointes, la chiquenaude attendent ainsi de prendre vie sous les doigts des artistes. À table !

 

YOSHIHISA TAÏRA

Trichromie (1973)

Élève d’Olivier Messiaen, Yoshihisa Taïra opère dans son langage musical une singulière fusion entre ses origines japonaises et sa maîtrise de la musique savante occidentale. Ce métissage fascinant est à l’oeuvre dans Trichromie, trio qui explore la richesse infinie des percussions, depuis les attaques les plus fracassantes jusqu’aux résonances les plus infimes. Partant d’un simple rythme régulier de toms qui agira comme un refrain, Taïra sollicite progressivement un vaste instrumentarium. Les toms passent à l’arrière-plan, garants d’une pulsation au-dessus de laquelle les bongos sont les premiers à s’exprimer dans un solo endiablé. La deuxième interruption des toms fait entendre les sonorités scintillantes, très évocatrices, du mokushyô et des blocs chinois. Peu à peu, le geste percussif passe du vertical à l’horizontal, de l’attaque à la résonance : le troisième « couplet » déploie les couleurs des cymbales suspendues, des gongs et des tam-tams. Des hauteurs définies émergent progressivement avec le marimba et les cloches de vaches, dévoilant un monde harmonique insoupçonné. Revenant progressivement dans un ostinato au rythme alambiqué, les toms dessinent un crescendo qui finit par écraser toute résonance.

 

BÉLA BARTOK (1881-1945)

Sonate pour deux pianos et percussions (1937)

Dans la musique de Béla Bartók, le piano et les percussions ont toujours eu une relation privilégiée : ce sont par exemple les percussions seules qui accompagnent le soliste au début du mouvement lent du Concerto n° 1 pour piano et orchestre. En janvier 1937, la Musique pour cordes, percussion et célesta (qui compte également un piano) porte ce jeu avec les timbres à un niveau jamais atteint. Le succès de l’oeuvre attire de nouvelles commandes, dont une de la Société internationale de musique contemporaine. Pendant l’été suivant, Bartók compose donc une Sonate pour deux pianos et percussions qu’il soigne dans les moindres détails. Les deux percussionnistes usent de modes de jeux variés et inédits : la cymbale est ainsi mise en vibration non seulement avec des baguettes mais aussi avec la lame d’un canif ou l’ongle du musicien ! Comme le notera le critique Pierre Jean Jouve après la création française de la sonate, « tout est insolite, tout est nécessaire ». D’un bout à l’autre de l’oeuvre, les effets sont tout sauf anecdotiques : le tam-tam colore la résonance des pianos, le xylophone attaque leur registre aigu, les graves sont gonflés par les timbales. Celles-ci sont à manier avec une virtuosité inhabituelle, Bartók écrivant des roulements accompagnés de glissandos. La dextérité des pianistes est également mise à l’épreuve, notamment dans l’exigeant contrepoint du premier mouvement : les quatre mains des deux pianistes s’échangent sans cesse les motifs jusqu’à la conclusion spectaculaire. Imagé et contemplatif, le mouvement central s’inscrit dans la lignée des « musiques nocturnes » chères au compositeur. Le dernier mouvement offre un finale réjouissant, jusque dans le grand decrescendo qui conclut l’oeuvre sur la pointe des pieds.

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