Béla Bartók
Figure la plus importante dans l’histoire de la musique hongroise aux côtés de Franz Liszt, Béla Bartók a construit une œuvre décisive où se mêlent aussi bien les influences de Brahms, Schönberg, Stravinsky ou Debussy que les traditions folkloriques d’Europe centrale. Avec le compositeur, ce large territoire fait d’ailleurs fi des frontières : Bartók nait à Nagyszentmiklós, aujourd’hui situé en Roumanie, passe une partie de son enfance en Ukraine puis en Slovaquie, avant de parfaire sa formation musicale à l’Académie royale de musique de Budapest. Période décisive pour le jeune homme, où il a pour condisciples Ernő Dohnányi, Leó Weiner et surtout Zoltán Kodály, avec qui il commence à sillonner la Hongrie et la Roumanie pour recueillir des chants folkloriques. En 1907, il est nommé professeur de piano à l’Académie de Budapest, et partage désormais son temps entre l’enseignement et la composition, livrant ses premières œuvres marquantes : le 1er Quatuor à cordes, son unique opéra Le Château de Barbe-Bleue, les ballets Le Prince de bois et Le Mandarin merveilleux et surtout quantité de pièces pour piano où la grande tradition romantique issue de Liszt (Rhapsodie) laisse progressivement place à un langage plus personnel (Bagatelles, Burlesques, Nénies…) avec parfois un emploi percussif étonnant du clavier (Allegro barbaro). Dans les années 1920 et 1930, la moisson de chefs-d’œuvre se poursuit (1er et 2e Concertos pour piano, 2 Sonates pour violon et piano, Quatuors n°3, 4 et 5 ou la Musique pour cordes, percussion et célesta commandée par Paul Sacher…) alors que les nuages s’amoncèlent sur le Royaume de Hongrie fraîchement restauré. Plus son pays se rapproche de l’Allemagne nazie, et plus Bartók s’en éloigne. Aucune compromission pour lui malgré les difficultés matérielles que cette position courageuse ne manque pas d’entraîner : Bartók rompt par exemple avec son éditeur Universal, « nazifiée » en 1936, et demande à ce que ses œuvres figurent au programme de la tristement célèbre exposition d’art « dégénéré » de Düsseldorf. A la mort de sa mère, plus rien ne le retient désormais en Europe, et Bartók de s’embarquer pour les Etats-Unis en octobre 1940, avec des perspectives de carrière aussi incertaines que son état de santé. L’accueil est chaleureux, mais la gêne ne tarde pas à gagner le foyer du compositeur, ce dernier refusant tout aide extérieure autre que des commandes musicales à honorer. C’est ainsi que naissent donc le Concerto pour orchestre pour Serge Koussvitsky, la Sonate pour violon seul pour Yehudi Menuhin, et les deux ultimes concertos, celui pour l’alto de William Primrose, que Bartók préfère laisser de côté pour mener à bien son 3e Concerto pour piano, destiné à sa seconde épouse Ditta Pásztory. Luttant contre une leucémie depuis trois ans, Bartók s’éteint à New York le 26 septembre 1945 alors qu’il ne lui restait plus que quelques mesures à écrire pour achever cette poignante preuve d’amour.