1er mai 2019
Les interprètes : Ensemble Ouranos, L' Atelier de musique, Pierre Dumoussaud
DARIUS MILHAUD
La Création du monde, opus 81 a
Après une tournée américaine de concerts et de conférences qui occupe une bonne partie de son année 1922, Darius Milhaud revient marqué par sa découverte du jazz à Harlem : « la musique que j’y entendis fut une véritable révélation pour moi. Une négresse dont la voix granuleuse semblait sortir du fond des âges chantait devant chaque table. Avec une expression dramatique, désespérée, elle répétait inlassablement jusqu’à l’exhaustion le même refrain, soutenue par le jazz qui formait un fond de lignes mélodiques constamment renouvelées » (Notes sans musique, 1949). Milhaud s’inspire aussitôt de ce qu’il a entendu pour satisfaire une commande des Ballets suédois de Rolf de Maré. Ce sera La Création du monde, sur un livret de Blaise Cendrars qui vient justement de faire paraître une compilation de contes et légendes africains (Anthologie nègre, 1921). Après une ouverture construite sur une mélopée lancinante du saxophone, les animaux et les plantes font leur apparition. Syncopes accentuées, solo de contrebasse, glissandos de trombone, contretemps de caisse claire : les allusions au jazz sautent aux oreilles dans un effectif orchestral singulier, calqué sur une opérette du compositeur noir américain Maceo Pinkard. Puis l’homme et la femme, nés en même temps, se reconnaissent et dansent leur désir au son de la clarinette. La danse de l’accouplement voit ensuite se superposer dans une ronde prodigieuse les motifs employés précédemment. Le tourbillon jazzy se disperse progressivement et un trémolo de vents referme doucement l’œuvre, illustrant la conclusion de Cendrars : « C’est le printemps… »