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21 juin 2018

Saison 2017-2018 - jeudi 21 juin 2018
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Les interprètes : Shuichi Okada, Augustin Dumay, Manuel Vioque-Judde, Lou Chang, Anthony Kondo, Simon Dechambre, Théo Fouchenneret

Nous voici donc ensemble pour ce dernier concert de saison, avec deux immenses compositeurs sensiblement de la même génération – à quelques années près, Franck ayant dix ans de plus que Brahms – et qui ont joué, l’un comme l’autre, un rôle essentiel dans la vie musicale de la seconde moitié du XIXe siècle… Chacun fut en effet considéré dans son pays comme un maître, voire même un prophète, sans d’ailleurs que cette aura déborde tellement les frontières. Car cette France où l’on adorait Franck, considéré comme le chef de file d’un renouveau musical, ignorait alors quasiment tout de Brahms ; et inversement l’influence de Franck ne s’est guère exercée en Allemagne, quand bien même son art était nourri pas les influences allemandes, et surtout par le modèle de Beethoven qu’il avait en commun avec Brahms, mais dont ils allaient tirer des partis très différents. *J’ajoute, pour en venir à la Sonate pour violon et piano de César Franck, que c’est une joie particulière d’accueillir Augustin Dumay dans cette œuvre à laquelle il est relié par un lien que j’oserais dire presque familial. Il ne faut certes pas exagérer l’importance des traditions et des écoles d’interprétation, quand chaque soliste a pour tâche de se réapproprier l’œuvre à partir du texte musical. Il se trouve toutefois qu’Augustin Dumay est, non seulement, l’un des plus fins interprètes de la musique française de cette époque, mais qu’il également étudié auprès de l’immense violoniste belge Arthur Grumiaux – qui était lui même, par son professeur Alfred Dubois le disciple d’Eugène Ysaye, violoniste de génie et personnalité centrale de la vie musicale de la fin du XIXe siècle. .Or Eugène Ysaye fut, précisément, le créateur de la Sonate de Franck et il allait beaucoup contribuer au rayonnement de cette composition, la plus célèbre du répertoire français pour violon et piano.Si la Sonate en la majeur est dédiée à Ysaye, tout comme le Poème de Chausson, le Quatuor de Debussy ou le premier Quintette de Fauré, on ne saurait dire toutefois que Franck l’ait composée expressément pour lui ; car la naissance de cette œuvre est liée, surtout, à l’effervescence qui régnait dans ces années 1880 autour de la Société nationale de musique et à cette passion de la musique de chambre qui se répandait alors en France. César Franck, né à Liège puis installé à Paris où il faisait figure de professeur et d’organiste un peu obscur, allait alors apparaître, à cinquante ans passés, comme un des modèles de la jeune génération. Poussé par ses élèves, d’Indy, Chausson, Duparc, il allait composer avec un acharnement redoublé, d’abord son Quintette avec piano, en 1879, puis le Prélude, Choral et Fugue, les Variations symphoniques, et en fin en 1886 cette sonate considérée comme un modèle. Elle arrive chronologiquement dix ans après la sonate de Fauré, mais nous ouvre sur un monde complètement différent que ce soit par sa conception architecturale extrêmement solide, ou par ses accents expressifs, ses modulations qui faisaient dire à Émile Vuillermoz que Franck avait « acclimaté chez nous le chromatisme wagnérien ».Il est frappant d’observer que César Franck a composé ce monument très rapidement, en trois semaines environ, presque d’un seul trait de plume, au moins pour ce qui concerne la partie de piano ; ce qui souligne la fermeté de sa conception. On y trouve en particulier ce trait caractéristique du style franckiste qu’est la forme « cyclique » : un procédé déjà en germe chez Beethoven ou Liszt, mais qu’il systématise et porte à son apogée en reprenant les mêmes motifs mélodiques dans les quatre mouvements, soumis à un jeu continuel de transformations et de modulations – ce qui donne une unité particulière à la composition. L’écriture de la partie de violon semble, en revanche, lui avoir donné plus de difficultés, peut-être parce qu’il fallait donner à cette construction savante un élan mélodique naturel adapté à cet instrument chantant. Mais force est de constater que Franck y est parvenu avec une force exceptionnelle, ce qui explique largement le succès de sa sonate.Sa partition n’en allait pas moins commencer par surprendre ses premiers lecteurs, et notamment Ysaye lui-même, tant elle sortait des sentiers battus de la forme sonate – avec par exemple cette longue introduction lente du premier mouvement, puis un second mouvement inhabituel par son élan d’allegro farouche, ou encore la liberté du troisième mouvement qui semble par moments presque improvisé, et enfin ce finale en forme de récapitulation de thèmes apparus tout au long de l’œuvre. Eugène Ysaye n’en allait pas moins, rapidement, pénétrer puis s’approprier cette musique et en donner la première audition à Bruxelles en 1886, un an avant la première parisienne, et avant que tous les violonistes du monde ne fassent de la partition de Franck un de leurs chevaux de bataille.J’ajoute que cette sonate fut sans doute, avec celles de Saint-Saëns, Fauré et Reynaldo Hahn, un des modèles de la fameuse Sonate de Vinteuil – César Franck offrant lui-même d’étranges ressemblances avec le compositeur imaginé par Marcel Proust. Ils sont quasiment jumeaux, nés au début des années 1820, morts dans les années 1890. L’un et l’autre ont traversé des périodes difficiles avant de connaître le succès sur le tard, lorsque de jeunes compositeurs passionnés les ont reconnus comme des maîtres et des précurseurs. Et le principe du « thème cyclique », cher à César Franck, et qui fait resurgir dans la partition un motif continuellement transfiguré, correspond précisément au principe de transformation évoqué par Proust lorsqu’il décrit la fameuse « petite phrase ». *Après cette œuvre, nous allons remonter vingt cinq ans en arrière et retrouver le jeune Johannes Brahms et son premier sextuor à cordes qui – comme la sonate de Franck – marque un jalon dans l’œuvre du compositeur et dans l’affirmation de sa personnalité. On peut souligner en effet que si le talent de Brahms fut très tôt acclamé par Schumann, il n’en a pas moins tâtonné dans ses premières compositions : par exemple les Sonates pour piano, où le musicien cherche encore sa voie, entre l’influence du classicisme beethovenien et une expérimentation plus personnelle. Ses premiers chefs d’œuvres comme le premier Concerto pour piano, auraient pu d’ailleurs le rapprocher du courant de la « musique de l’avenir », qui se développait alors en Allemagne autour de Liszt, Berlioz, Wagner, et qui plaçait au premier plan l’imagination musicale et poétique. Mais à cette tendance s’opposait un autre courant se réclamant de la tradition du classicisme allemand, auquel appartenait notamment le meilleur ami de Brahms, le violoniste Joseph Joachim. Son influence allait jouer dans le rapprochement de Brahms avec la ligne conservatrice : rapprochement symbolisé par la parution, en 1860, d’un manifeste signé par Brahms et Joachim pour dénoncer les tendances de la nouvelle école et prôner la fidélité au classicisme allemand. Brahms éviterait par la suite de prendre directement part à ces polémiques, tandis que son art révélerait toute la singularité de sa personnalité. Il n’en resterait pas moins fidèle à un esprit musical hérité de Beethoven, Mendelssohn, Schubert et Schumann.Composé en cette année 1860, le premier sextuor à cordes est à la fois la première grand réussite de musique de chambre du compositeur, et la première œuvre dans laquelle s’affirme pleinement cette fidélité au classicisme. On y retrouve notamment coupe traditionnelle des quatre mouvements : avec un vaste allegro en forme sonate ; un second mouvement conçu comme une série de variations sur un air populaire, genre très cher à Brahms dans la lignée de Haendel, Mozart et Schubert ; puis un scherzo et un finale qui sonne presque comme un hommage à Haydn. Mais on trouve aussi dans ces pages une inspiration poétique plus typiquement brahmsienne que le musicographe Claude Rostand définissait comme la musique d’un jeune allemand du nord « rêvant sur les bords de l’Elbe »  Cette fraîcheur poétique qui traverse l’œuvre, agrémentés de mélodies populaires, lui vaudra le surnom de « sextuor du printemps ». Une telle attitude faisait pour le moins contraste en ces années où la présence de Wagner grandissait dans la vie musicale européenne et semblait ouvrir une toute autre voie. Le célèbre critique Edouard Hanslick, un proche de Brahms, après avoir Tristan et Isolde au cours de l’après-midi, puis le même jour dans la soirée ce sextuor opus 18 et déclarera : « Cela sonna comme un délivrance. »On peut souligner aussi que l’écriture pour six cordes seules est, d’une certaine façon, plus accessible que celle du quatuor à cordes à laquelle Brahms allait venir quelques années plus tard. Car le quatuor avec sa sonorité dépouillée est d’abord un pur exercice contrapuntique entre les quatre lignes de chant. Au contraire dans ce sextuor, avec ses deux violons, deux altos et deux violoncelles, les instruments jouent souvent par petits groupes qui se répondent et donnent à l’ensemble quelque chose de ludique et de séduisant – qui explique pour une part le succès immédiat de cette œuvre en Allemagne et en Autriche. Inversement, la France, allait demeurer longtemps rétive au néo-classicisme brahmsien, au moment où Paris s’engageait dans des voies musicales complètement nouvelles avec Franck, Fauré, et bientôt Debussy. Le critique Paul Landormy, tout en admirant maints aspects de Brahms, ne voit dans ce sextuor que l’influence de Beethoven « trop docilement subie ». Debussy de son côté, estime que Brahms et Tchaïkowski se disputent « le monopole de l’ennui », tandis que Ravel trouve ses développements « savants, grandiloquents, enchevêtrés et lourds ». Il faudra attendre l’après seconde guerre mondiale pour qu’une Françoise Sagan puisse poser la question Aimez-vous Brahms ? et que celui-ci entre peu à peu dans le répertoire où il occupe aujourd’hui la place de choix qui est la sienne.

Benoît Duteurtre

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À (RÉ)ÉCOUTER

Johannes Brahms (1833 - 1897), Sextuor à cordes n° 1 en si bémol majeur, op. 18

REPLAY
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