11 août 2021
Les interprètes : Compagnie vocale et instrumentale La Tempête, Simon-Pierre Bestion
JERUSALEM
Dans le cadre de l’exposition aux Franciscaines « Sur les chemins du paradis »
« La construction de ce programme se veut être un reflet musical de cette ville parcourue par les trois religions du Livre, d’innombrables cultures et langues les exaltant. Pour cela, j’ai fait appel à deux merveilleux interprètes, Martine Sarazin et Georges Abdallah (libanais d’origine), qui chantent le répertoire chrétien, juif et musulman en latin, grec, arménien, allemand, arabe, hébreu, mystique persan, galaïco-portugais, judéo-espagnol, slavon, éthiopien liturgique et bulgare. Ces deux solistes répondent aux douze chanteurs du chœur et à trois instrumentistes dont l’instrumentarium – cornet à bouquin, clarinette, duduk, percussions – fleure bon les senteurs et les couleurs mêlées de l’Orient et de l’Occident. » (Simon-Pierre Bestion)
On perd sans doute trop souvent de vue le fait que les prophètes (personnages présents dans les religions du Livre) forment un lien unique entre nos sociétés méditerranéennes. Ils sont des personnages mythiques, au même titre que les nombreux héroïnes ou héros des mythes grecs fondateurs. Depuis Abraham jusqu’à Mahomet, en passant par Isaac, Élie, Noé, David, Salomon ou Jésus, l’ensemble de ces prophètes (que certaines religions reconnaissent ou non sous cette appellation) ont nourri et nourrissent toujours l’imaginaire collectif de nos sociétés.
Au coeur de cette communauté de pensée, une ville rayonne depuis plus de 3000 ans au sein de nos civilisations : Jérusalem. Lieu de paix et de fraternité autant que de conflits incessants, son incroyable aura ne cesse de se diffuser jusqu’aux confins de l’Europe et de l’Orient. Ville « trois fois sainte », elle rassemble encore aujourd’hui une multitude de communautés. Pour les musulmans, elle est la ville la plus proche du ciel, une porte ouverte en permanence vers Dieu, d’où Mahomet a fait son ascension (miraj) accompagné de l’ange Gabriel lors de son voyage nocturne. Pour les chrétiens, il s’agit de la ville où Jésus est d’abord acclamé, et où il sera ensuite crucifié avant de ressusciter. Pour les juifs, elle est la « fille de Sion », là où siège le temple de Salomon, ou encore l’ancienne capitale du royaume de David et la cité qui verra l’arrivée du Messie.
Les églises chrétiennes ne sont-elles pas généralement orientées vers elle, et les juifs ne doivent-ils pas effectuer leur prière quotidienne tournés vers elle (de la même façon, les premiers musulmans, avant de s’orienter vers La Mecque, tournaient leurs prières vers Jérusalem, qu’ils appelaient Al-Qods, « La Sainte ») ?
L’histoire que nous racontons s’inscrit dans un large voyage temporel et géographique, puisant ses origines dans les racines multiples et complexes de nos sociétés méditerranéennes millénaires. Chaque chant entre en résonance à la fois avec toute infime partie de l’édifice que nous habitons, mais aussi avec nos propres sentiments, fruits de nos éducations diverses. Il s’agit d’un parcours musical libre, se jouant des siècles et des lieux traversés, et qui tente d’offrir une perception magnifiée de nos différences, quand tous ces rites se font écho les uns aux autres.
Douze langues se côtoient et se répondent. Elles sont le reflet de la richesse de ce carrefour, aux confins de cette mer au milieu des terres (signification de « Mediterrannée ») : latin, grec, arménien, arabe, hébreu, galicien, espagnol, bulgare, turc, slavon, éthiopien, judéo-espagnol. Autant de dessins calligraphiques et de couleurs dans ces langues que dans la palette instrumentale et vocale dont nous disposons : des instruments à vents anciens, modernes et orientaux, des percussions, des voix riches d’une large tessiture usant de vocalités très diverses selon les répertoires et les pays empruntés.
Prières, berceuses, danses, chansons d’amour, invocations, ces musiques forment un grand rituel vocal unifié et dédié à l’amour et au souvenir de Jérusalem, dont une part vibre en chacun de nous : « Non, ce n’est pas sans blessure à l’âme que je quitterai cette ville. […] Nombreuses sont les parcelles d’esprit que j’ai dispersées en ces rues. » (Prophète, Khalil Gibran).
Création : Festival de Saint-Denis et Cité de la Voix, Vézelay