17 avril 2022
Les interprètes : Mi-Sa Yang, Shuichi Okada, Manuel Vioque-Judde, Stéphanie Huang, Bumjun Kim
FRANZ SCHUBERT
QUINTETTE POUR DEUX VIOLONS, ALTO ET DEUX VIOLONCELLES EN DO MAJEUR OP. POSTH. 163, D. 956
Œuvre à nulle autre pareille dans la production schubertienne comme dans la musique de chambre de l’époque, le Quintette à cordes en do majeur frappe par son ampleur, tant dans sa forme que dans sa formation. L’ajout d’un deuxième violoncelle déplace le centre de gravité du quatuor traditionnel vers son registre grave et donne à la texture chambriste une densité quasi orchestrale ; quant à l’architecture de l’ouvrage, elle atteint une ampleur inédite, chaque mouvement faisant l’objet d’un travail au long cours, tant dans le dessin mélodique que dans l’opposition des motifs. Les thèmes semblent parfois suivre le fil d’un phrasé éternellement continu. Plongé dans ses innombrables Lieder en cette funeste année 1828, le compositeur a-t-il voulu profiter du souffle infini des archets pour écrire ce que la voix humaine ne pouvait réaliser sans respirer ? Difficile à dire, les circonstances de composition de l’ouvrage restant imprécises. Toujours est-il que les mélodies, bien qu’étirées, ne perdent aucunement leur expressivité : répondant aux inquiétants assauts qui ne tardent pas à se faire entendre dans le premier mouvement, le fameux duo des violoncelles offre un sommet de tendresse. Quant au choral distendu de l’Adagio, il est aussi miraculeux qu’inhabituel chez le maître des Lieder. Il faut examiner le contrechant solitaire du premier violon pour percevoir au-dessus du chant la signature de Schubert, son rythme pointé rappelant bien d’autres chefs-d’oeuvre du compositeur (notamment la Fantaisie en fa mineur). Torturé à l’extrême, le passage central de l’Adagio évoque quant à lui les chevauchées fantastiques d’autres opus schubertiens : c’est l’enfer du Roi des aulnes qui se déchaîne entre deux chorals extatiques ! Loin de son rôle traditionnel d’intermède dansant, le troisième mouvement renferme en son sein un contraste aussi inattendu que vertigineux : encadré par un scherzo triomphant, le trio dépouillé jusqu’à l’os est entrecoupé de silences graves. Le Finale s’ouvre sur un refrain enlevé et rustique. D’une grande richesse mélodique, le mouvement atteint une apothéose virtuose dans sa conclusion più presto, indispensable pour vaincre les tensions accumulées en chemin.