Georges Bizet
Parti beaucoup trop tôt à l’âge de trente-six ans, Georges Bizet n’eut pas le temps de voir sa chère Carmen triompher sur toutes les scènes du monde et s’imposer comme l’un de titres les plus populaires de tout le répertoire lyrique. Créé à l’Opéra Comique trois mois avant la disparition de son auteur, l’ouvrage avait en effet essuyé de sévères critiques qui avaient profondément affecté Bizet, musicien perpétuellement rongé par le doute… Nombre de partitions abandonnées en cours de route sont là pour en témoigner. Les débuts du petit Georges étaient pourtant prometteurs : élève de Marmontel puis d’Halévy au conservatoire de Paris (il épousera d’ailleurs quelques années plus tard la fille de ce dernier Geneviève, par ailleurs cousine de Ludovic Halévy, le futur librettiste de Carmen), il ne rencontre pas comme tant d’autres de grandes difficultés à remporter à dix-neuf ans son Prix de Rome. Quelques mois plus tôt, sa délicieuse opérette Le Docteur Miracle (et son fameux Quatuor de l’omelette) avait remporté un concours lancé par Offenbach, maître en la matière à la recherche de nouveaux talents pour étoffer le répertoire des Bouffes parisiens dont il venait de prendre la direction. De retour d’Italie, il cherche, comme tout compositeur français qui se respecte à l’époque, à se faire un nom à l’opéra, mais ni Les Pêcheurs de perles, ni La Jolie Fille de Perth ou Djamileh, voire la musique de scène sur L’Arlésienne de Daudet ne rencontrent le succès escompté. Bizet enrage et doit partager son temps entre les leçons de piano et différents travaux d’édition pour faire vivre son foyer. Impossible de comprendre comment le public parisien des années 1870 a pu rester insensible au charme de la Petite suite d’orchestre, adaptation d’une partie des Jeux d’enfants à quatre mains, et fêter Patrie, page pompière s’il en est. Sur un livret taillé sur mesure par Meilhac et Halévy, les collaborateurs attitrés d’Offenbach, Carmen devait être en 1875 la revanche du compositeur : elle ne lui apportera de son vivant que larmes, sueurs et désillusions.