Richard Wagner
Né la même année que Verdi, Richard Wagner ne s’est pas simplement contenté de révolutionner l’opéra germanique au XIXe siècle, à l’image de ce que son rival transalpin a pu faire pour l’opéra italien. Non, Wagner a été plus loin encore, remettant à plat le statut même de l’œuvre d’art et celui de l’artiste, notamment dans sa réflexion sur le Gesamtkunstwerk, l’œuvre d’art totale où la musique, le théâtre, la poésie, les arts plastiques, la philosophie se rencontrent dans un tout indissolublement lié. Dès l’enfance, cette destinée de grand réformateur du théâtre lyrique se met en place : orphelin de père quelques mois après sa naissance, Wagner est en effet élevé par Ludwig Geyer, le nouveau compagnon de sa mère, un dramaturge qui lui transmet la passion de la scène. Le jeune homme tarde cependant à trouver sa voie : il se veut d’abord poète, mais le choc ressenti à l’écoute de la musique de Beethoven finit par décider de sa vocation. Il se forme alors à Leipzig auprès de Christian Theodor Weinlig et écrit ses premières œuvres : Symphonie en ut majeur, des mélodies sur le Faust de Goethe et surtout Les Fées, son premier opéra, bientôt suivi par La Défense d’aimer. Opéra italien, opéra-comique français, Weber, Meyerbeer : à l’époque, toutes les influences sont bonnes à prendre pour un jeune musicien qui éprouve les pires difficultés à se fixer. En quelques années, il enchaine ainsi les postes à Wurtzbourg, Magdebourg, Königsberg et Riga. Wagner tire le diable par la queue est le ménage qu’il forme avec sa femme Minna est perclus de dettes. Il fuit Riga, vit quelques temps à Paris de petits travaux et rencontre enfin le succès en 1842 grâce à la création à Dresde de Rienzi, son premier grand opéra. Il restera dans la ville jusqu’en 1848 et affirme son langage avec Le Vaisseau fantôme et Tannhäuser, notamment dans l’emploi des leitmotive qui donne une continuité plus forte à l’action scénique. Ses engagements politiques mettront fin prématurément à cette aventure saxonne. Faisant partie des agitateurs réclamant plus de liberté au roi Frédéric-Auguste II, Wagner est en effet contraint à l’exil lorsque le soulèvement est écrasé. Il confie la création de son cher Lohengrin à son ami Franz Liszt et passe les années suivantes en Suisse. Il y affine ses positions esthétiques dans différents essais (L’œuvre d’art de l’avenir, Opéra et Drame) et travaille à son grand projet : un cycle de quatre opéras inspiré par les mythologies nordique et germanique. Ce sera L’Anneau du Nibelung, qui ne sera créé dans sa totalité que vingt-cinq ans plus tard ! Epris de Mathilde Wesendonck, la femme d’un admirateur de Wagner qui avait mis à sa disposition une petite propriété, le compositeur traduit son amour dans Tristan et Isolde et les Wesendonck Lieder. Le scandale éclate cependant : les Wagner se séparent, et Richard retourne en France pour veiller aux représentations de Tannhäuser à l’opéra de Paris. Les habitués râlent, mais la jeunesse s’est trouvé un nouveau héros, et l’influence de Wagner sur la vie musicale française sera désormais prépondérante pendant toute la seconde moitié du XIXe siècle. La suite des années 1860 sera néanmoins plus détendue pour Wagner : d’un côté, il s’offre une parenthèse joyeuse dans son œuvre avec Les Maîtres chanteurs de Nuremberg, de l’autre, l’admiration que lui voue le jeune Louis II de Bavière lui assure une certaine sécurité financière. Tristan et Isolde est enfin créé en 1865, alors que s’officialise la relation du compositeur avec Cosima, fille de Franz Liszt et épouse d’Hans von Bülow, chef d’orchestre qui avait justement œuvré pour la création de Tristan… Nouveau scandale bien évidemment, mais Wagner tient bon et épouse Cosima en 1870, tout en continuant son travail sur la Tétralogie. Pour monter ce cycle monumental, Wagner rêve d’un théâtre selon ses idées. Ce sera Bayreuth, un gouffre financier qui ne pourra être terminé qu’en 1876 grâce au secours de Louis II. Pour Bayreuth, il compose encore Parsifal, plus vraiment un opéra mais « un festival scénique sacré » pour reprendre les mots de Wagner, et qui sera créé en 1882. Un an plus tard, le compositeur s’éteint à Venise.