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18 avril 2015

19e Festival de Pâques de Deauville - samedi 18 avril 2015
Salle Elie de Brignac-Arqana -

Les interprètes : Sécession Orchestra, L' Atelier de musique, Irina de Baghy, Clément Mao-Takacs

La démesure des grandes symphonies de Mahler sur la scène de la salle Elie de Brignac de Deauville ? Tout est possible grâce aux transcriptions dénichées par le jeune chef Clément Mao-Takacs pour Secession Orchestra, un orchestre de chambre qu’il a fondé en 2011. On pourra ainsi entendre à l’occasion de ce concert d’ouverture du 19e Festival de Pâques de Deauville la Passacaille opus 1 de Webern dans la version d’Henri Pousseur, une œuvre pour grand orchestre qui marquait en 1908 la fin des années d’apprentissage du compositeur auprès de Schönberg. Un autre « opus 1 » complétait ce concert après l’entracte avec la Symphonie n°1 de Mahler, une œuvre à la genèse compliquée qui occupa le compositeur et chef pendant une dizaine d’années lors de ses mandats à Cassel, Leipzig, Budapest et Hambourg, et dont les remaniements successifs virent notamment disparaître la charmante et bucolique Blumine entre les deux premiers mouvements. Entre ces deux instants symphoniques, la jeune mezzo canadienne Irina de Baghy donnera corps aux rêveries de Wagner dans les Wesendonck Lieder, une œuvre écrite par le musicien durant son exil en Suisse et évoquant sa relation avec Mathilde Wesendonck, la femme de son généreux mécène d’alors. Wagner vit une idylle avec la jeune femme, renonce provisoirement à sa Tétralogie pour se lancer corps et âme dans Tristan et Isolde, et écrit ces cinq sublimes lieder sur des poèmes de Mathilde. Le scandale éclatera, mais il nous reste cette œuvre hors du temps, condensé merveilleux de l’écriture wagnérienne.

Une dizaine de minutes : la durée d’une symphonie de Mahler à l’échelle du laconique Webern. Pour afficher un tel record, l’opus 5 ou l’opus 6 s’y prendront à plusieurs reprises, additionnant respectivement cinq et six mouvements brefs. Aucun autre numéro des trente-et-un que compte l’œuvre de Webern ne s’autorisera un tel épanchement. Le compositeur a pour excuse sa jeunesse : vingt-cinq ans.
Sa passacaille ouvre son catalogue officiel et referme quatre années d’années d’études auprès d’Arnold Schönberg. Paradoxalement, l’influence de l’inventeur de la musique moderne se réalise dans une forme ancienne. La passacaille prend en effet son origine dans l’Espagne du XVIIe siècle avant de s’installer en Italie et en France. A l’époque baroque, elle désigne une danse d’allure noble, construite sur une basse obstinée et un thème varié. L’école d’orgue allemande en offre de nombreux exemples (Buxtehude, Bach) et l’opéra français la choisit régulièrement comme pièce conclusive. Au XIXe siècle, Brahms en empruntera la structure rigoureuse pour échafauder le finale de sa symphonie n°4. Plus tard, Ravel, Chostakovitch, Dutilleux ou Britten, le suivront, tout comme de nombreux rockers qui suivent sa ligne de basse descendante et régulière comme un vecteur propice à leur mélancolie.
Webern envisage évidemment un autre projet bien qu’il conserve une base de huit mesures qui fera l’objet de vingt-trois variations. Le thème de base et de basse se perçoit clairement puisqu’il est énoncé note à note, entrecoupé de silences réguliers, pianissimo par les cordes en pizzicato. Mais cette série de huit notes va rapidement disparaître sous une orchestration de plus en plus touffue qui fait appel à un riche effectif (bois par trois, quatre cors, percussions) qui rappellent autant Brahms que le Schönberg post-romantique de Pelléas et Mélisande. Nous l’entendons ce soir dans une version réduite par Henri Pousseur : bois par un, un cor, un trombone, vibraphone, percussions et cordes.

A l’instar des Rückert-lieder de Mahler et des Mörike-lieder de Wolf, les Wesendonck-lieder de Wagner font référence à l’auteur des poèmes. Mais l’histoire a davantage retenu le nom de Mathilde Wesendonck (1828-1902) pour les sentiments qu’elle inspira à Wagner que pour ses seuls talents littéraires. Quand Richard entreprend l’écriture de ce cycle, en novembre 1857, il est hébergé, avec son épouse, par Otto Wesendonck. Le riche industriel met à sa disposition une petite villa dans sa vaste propriété des environs de Zurich. Le compositeur profite alors de son exil suisse (il a dû quitter l’Allemagne pour avoir participé aux émeutes de Dresde en 1848) pour travailler intensément : il est aux prises avec la partition de Siegfried mais songe déjà au livret de Tristan et Isolde. Wagner, qui a la faiblesse de s’éprendre de l’épouse de ses amis, choisit de mettre en musique cinq poèmes de Mathilde, la femme d’Otto. C’est une des très rares occasions où le musicien n’est pas également l’auteur du texte. Destinés à une voix de soprano qu’accompagne le piano, les Wesendock-lieder seront orchestrés ultérieurement par Felix Mottl, chef d’orchestre, compositeur et proche de Wagner. Ils dissimulent les sentiments réciproques de Richard et Mathilde. Traüme (Rêves) et Im Treibhaus (Dans la Serre) serviront d’ailleurs d’esquisses à Tristan et Isolde, autre histoire d’amour impossible.
La plupart des textes joue du parallèle entre la destinée humaine et la nature comme des oppositions entre terre et ciel. Der Engel (L’Ange) évoque ainsi l’ange rédempteur, celui qui soulage l’humanité du poids de son angoisse : la lumière, inquiétée dans la partie centrale de la mélodie, finit par triompher. Stehe still ! (Arrête !), assombrie dès ses premières mesures, est assujettie au mouvement perpétuel et impitoyable de la « roue du temps » mais s’achève dans la sérénité de l’amour et de la sainte nature. Im Treibhaus compare l’existence des hommes à celle des plantes et évolue dans un silence pesant et une touffeur asphyxiante. Schmerzen (Douleurs) calque la courbe de l’existance sur celle du soleil : la vie revient après la mort comme l’aube après le crépuscule. Enfin les rêves (Traüme) submergent l’individu, avec le secours d’une nature providentielle, dans un flot musical continu directement dérivé des opéras de Wagner. Mais les rêves, comme les fleurs, se fanent et connaissent une fin sépulcrale.

Alors que Mahler remplit aujourd’hui les salles, il peina à s’imposer. Il était d’ailleurs considéré comme un compositeur du dimanche, ou plutôt des vacances, son activité principale étant celle de chef d’orchestre. Aussi celui qui dirige la création de ce que nous connaissons comme symphonie n°1 en 1889 à Budapest est-il le directeur musical de l’opéra. Mahler avait présenté sa partition comme un poème symphonique en deux parties et cinq mouvements. Il la révisera à maintes reprises, supprimant un mouvement, inscrivant puis rayant un titre, Titan, modifiant l’orchestration, avant la création dans une quatrième (!) version à Berlin en 1896. Rien n’y fait : c’est un échec.
La symphonie a beau porter le numéro un, elle n’est pas l’œuvre d’un débutant. Mahler y glisse la mélodie de certains de ses lieder (le thème principal du premier mouvement, énoncé par les violoncelles) mais il fait déjà montre d’un sens aigu de la couleur orchestrale, du goût pour l’ironie (le scherzo), pour le mélange du tragique et du comique (la marche funèbre) et d’une impressionnante maîtrise de la dramaturgie musicale qui deviendront sa signature.
Si le programme a disparu, il reste difficile de ne pas deviner des images derrière des notes. « Comme un bruit de nature » écrit d’ailleurs Mahler en tête de son premier mouvement, marqué « lent, en traînant ». Il s’ouvre par un la tenu par toutes les cordes, de l’extrême-aigu au grave (violoncelles et contrebasses divisées en trois groupes) qui auréole l’orchestre comme la lumière du premier matin. Se propagent des chants d’oiseaux (clarinettes, flûtes), la rumeur des éléments et l’écho d’une lointaine fanfare : l’effet est stupéfiant. Si l’énergie irrésistible du scherzo contraste avec la douceur du trio, la partie centrale, confiée aux bois (flûtes, hautbois, clarinette), l’ambiance reste résolument rustique, digne de Schubert ou Bruckner. Le troisième mouvement marquera assurément qui découvre cette symphonie. La mélodie qu’entonne de façon singulière la contrebasse solo ne lui est pourtant pas totalement étrangère : il reconnaîtra sans doute la chanson populaire Frère Jacques tordue par le mode mineur. A cette marche funèbre qui se met en route à la suite de la contrebasse (formidable impression cinématographique) répondra l’humour narquois des clarinettes et des trompettes tout droit venues d’un ensemble klezmer : Mahler a toujours aimé mélanger les genres et les couleurs, naviguer entre ciel et terre, zigzaguer entre la noblesse et la rue. A cette procession grotesque fait suite un finale héroïque et tonitruant. Au terme d’un combat acharné où résonnent les souvenirs des thèmes des mouvements précédents, la lumière s’impose (Dall’inferno al paradiso mentionnait le programme original) en un geste puissamment beethovénien. Avec ou sans le support d’un programme ou des références à la littérature de Jean-Paul (Jean Paul Richter), cette symphonie porte déjà l’empreinte d’un compositeur maître de son art.
Ce soir, cependant, la salle Elie de Brignac n’accueillera pas un orchestre riche de bois par quatre, de sept cors, cinq trompettes, cinq trombones, totalisant quelque quatre-vingt musiciens. Clément Mao-Takacs, L’Atelier de Musique et le Secession orchestra vont en effet suivre la réduction qu’en a entrepris le pianiste et chef d’orchestre Klaus Simon en 2008. Les bois sont seuls, excepté une paire de clarinettes, rejoints par deux cors et une trompette, un piano, un harmonium et un ensemble de cordes : une découverte, typique de l’esprit du festival.

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18 avril 2015
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À (RÉ)ÉCOUTER

Anton Webern (1883 - 1945), Passacaille, op. 1 (transcription pour ensemble de chambre d’Henri Pousseur)

19e Festival de Pâques de Deauville, samedi 18 avril 2015
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Gustav Mahler (1860 - 1911), Symphonie n° 1 « Titan » en ré majeur (transcription pour ensemble de chambre de Klaus Simon)

19e Festival de Pâques de Deauville, samedi 18 avril 2015
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