Alfred Schnittke
Compositeur russe d’origine allemande qui deviendra en 1961 membre de l’Union des compositeurs soviétiques, Alfred Schnittke se nourrit des multiples influences qui le traversent : la culture allemande catholique de sa mère, l’identité russo-lettone juive de son père et la Russie orthodoxe soviétique de l’entre-deux-guerres dans laquelle il grandit. En 1946, il commence ses études musicales à Vienne où il apprend l’accordéon et s’essaie à la composition. A Moscou, il poursuit sa formation à l’Académie musicale « Révolution d’Octobre » dans les classes de piano, d’analyse, de contrepoint, de composition et d’orchestration, et suit en parallèle les cours de Filip Gerchkovitch, disciple de Webern qui l’initie au sérialisme, alors prohibé en Union soviétique. Malgré de vives critiques, son oratorio Nagasaki (1958), pour mezzo-soprano, chœur et orchestre, lui vaut d’obtenir son diplôme de compositeur ; l’œuvre marque l’irruption de l’avant-garde occidentale dans la musique russe. Les deux sonates pour violon (1964, 1968) et le premier quatuor à cordes (1966) poursuivent cette tendance, avant que Ginastera ne développe son idée de « polystylisme » : théorisé en 1971 par le compositeur, ce concept consiste à adopter des références stylistiques multiples au sein d’une même œuvre, souvent dans une visée ironique. L’œuvre-manifeste de ce mouvement qu’il invente est sa Symphonie n° 1 (1972), qui mêle la pensée symphonique soviétique parodiée à des éléments plus expérimentaux, et qui se trouve immédiatement interdite d’exécution publique par la bureaucratie du Parti. Schnittke devient alors le héraut de la musique moderne en Russie, et se lie d’amitié avec les plus grands interprètes de son temps : Yuri Bahmet, Mstislav Rostropovitch, ou encore Gidon Kremer qui crée son Concerto grosso n° 1, caractérisé par une esthétique du collage. S’ensuivent de nombreuses œuvres de musique de chambre composées pour ces interprètes : le Concerto pour alto et orchestre (1985), l’Improvisation pour violoncelle (1993), le Triple concerto pour violon, alto, violoncelle et orchestre à cordes (1994). Compositeur prolifique, ses dix symphonies, quatre quatuor à cordes, trois opéras, six concertos grossos et ses nombreuses musiques de film montrent une grande diversité stylistique, de l’école russe héritée de Prokofiev et Chostakovitch jusqu’à la musique électroacoustique en passant par le dodécaphonisme de Berg et de Bartók et le néoromantisme, avec un soin particulier apporté aux transitions, à l’association et à la superposition d’idées. Sa musique jouit d’une renommée internationale à partir des années 1980, à la faveur d’un relâchement de la pression soviétique sur les artistes russes qui permet à Schnittke d’accepter une résidence à l’Orchestre philharmonique de Berlin, avant qu’il ne décide de s’installer définitivement en Allemagne en 1990. Quatre ans plus tard, la création mondiale de sa Septième symphonie a lieu aux États-Unis sous la direction de Kurt Masur. Schnittke reste à ce jour l’un des compositeurs russes contemporains les plus joués dans le monde.