11 mai 2013
Les interprètes : Ensemble Initium, Amaury Coeytaux, Bruno Philippe, François Lemoine, Julien Desplanque, Ismaël Margain, Trio Les Esprits
Clap de fin pour cette 17e édition du festival de Pâques, avec une soirée de prestige marquée par le retour du roi Renaud sur ces terres. A l’affiche de la première édition en 1997 (tout comme Nicholas Angelich, Jérôme Ducros ou Jérôme Pernoo), Renaud Capuçon transmet le flambeau à une nouvelle génération et triomphe en compagnie d’Adrien La Marca, Edgar Moreau et Guillaume Vincent du sombre 3e Quatuor avec piano de Brahms.
Avant cela, une dernière redécouverte était à l’affiche avec le Quintette de Ralph Vaughan-Williams, œuvre de jeunesse d’un ambitieux désireux de conquérir le monde. Fraîcheur printanière, format inhabituel (un trio avec piano complété d’une clarinette et d’un cor), charme mélodique et humour à revendre : Amaury Coeytaux, Ismaël Margain, Bruno Philippe et des membres de l’ensemble Initium s’en donnent à cœur joie pour notre grand plaisir. Autre plaisir, celui de retrouver dans Beethoven le Trio Les Esprits, qui achevaient là une mini-résidence lors de cette édition. Au menu, l’opus 70, mais non pas le Trio Les Esprits, mais son jumeau, l’Opus 70 n°2, resté trop souvent dans l’ombre de son illustre devancier. Un mélange des générations et des répertoires, un esprit chambriste : tout l’esprit du festival est résumé dans ce concert de clôture.
Si le quintette d’Elgar est celui d’un compositeur d’âge mûr, celui de Ralph Vaughan-Williams (1872-1958) est en revanche celui d’un jeune homme désireux de conquérir lemonde… mais d’une folle intransigeance envers ses propres œuvres. Beaucoup de pageschambristes écrites au tournant du siècle ont ainsi été détruites par Vaughan-Williams, etcelles qui ont survécu ont longtemps dû patienter dans les tiroirs de la British Library avant depouvoir sortir de l’ombre. Quelle jeunesse éclatante triomphe pourtant dans ce quintette de1898 au format inhabituel (un trio avec piano complété d’une clarinette et d’un cor), et quinous prouve que le Brahms anglais avait de l’humour à revendre, notamment dans un irrésistible Intermezzo. En 2013, Bruno Philippe au violoncelle et au piano rejoignent l’indispensable et des membres de l’ensemble Initium pour redonner vie à cette partition juvénile qu’on souhaiterait voir à l’affiche plus souvent
Sans doute est-ce parce qu’il est privé de titre que l’opus 70 n° 2 reste beaucoup moins connu que son jumeau, l’opus 70 n° 1 dit Les Esprits. La musique justifie-t-elle cette injustice ? Pas complètement. Les deux partitions furent noircies de la même encre entre 1808 et 1809 et dédiées à la comtesse hongroise Anna Maria Erdödy. Beethoven adressera également à cette amie très chère les deux sonates pour violoncelle et piano opus 102. On ne peut cependant pas nier que le trio précédent atteint en sa partie centrale (il n’a que trois mouvements), Largo assai e espressivo, une intensité presque douloureuse à laquelle le n° 2, dépourvu de mouvement lent, ne saurait prétendre. Son introduction Poco sostenuto plonge pourtant l’auditeur dans un climat de mystère par son thème présenté en canon successivement par le violoncelle, le violon et le piano. Ce dernier égrène des trilles et doubles croches à la main droite avant une pause, pianissimo, puis l’envoi de l’idée principale, aimable et confiante, par les deux archets, Allegro ma non troppo à 6/8. Le violoncelle suggère une seconde idée, un peu rustique, également marquée par une levée. Ce premier mouvement, curieusement détendu et peu contrasté, surprend de la part d’un maître dans l’art du conflit thématique. Il faut donc accepter l’œuvre dans son intégralité comme celle d’un homme apparemment ou momentanément apaisé : l’Allegretto qui suit dispense en effet, malgré sa seconde partie en mineur, un charme digne de Haydn. Et ce n’est pas l’Allegretto ma non troppo, ouvert par une tendre mélodie du violon qui le rompra. Ce menuet qui n’avoue pas son nom évoque l’insouciance (elle encore passagère) d’un Schubert et les airs populaires. Ce trio lumineux, dominé par les tonalités majeures, s’achève par un finale vigoureux et dansant, d’une bonne humeur malicieuse qui fait à nouveau songer à Haydn.
Comme nombre de ses compatriotes britanniques, Vaughan Williams reste très peu connu et rarement joué en France. Tout au plus a-t-on parfois la chance d’entendre en concert l’une de ses neuf symphonies. Mais sa musique de chambre reste scrupuleusement ignorée. Avant son voyage en France en 1908 entrepris pour étudier auprès de Ravel, le jeune Vaughan Williams composa plusieurs pièces de musique de chambre qu’il ne jugea pas bon de faire éditer. Le quintette que nous entendons aujourd’hui appartient à cette série et il y a fort à parier qu’il a été rarement présenté en France. Sa première interprétation récente remonte en effet à 2001 quand il fut joué à Londres, à la British Library Conference Centre : la veuve du compositeur avait légué à la bibliothèque de nombreuses partitions. Peut-être ce quintette n’avait-il pas été entendu depuis un siècle, après sa création au Queen’s Hall en 1901. Découpé en quatre mouvements, cette œuvre de vingt-cinq minutes évoque souvent Brahms notamment le mouvement lent de sa symphonie n° 4 dans l’Andantino et son appel de cor. Le début, Allegro moderato, confié à la clarinette, rappelle également le compositeur allemand par son alternance entre nostalgie et vigueur rythmique. Après une conclusion pianissimo, mené par une longue tenue du cor, suit l’Intermezzo ouvert par un duo débonnaire entre violoncelle et piano sur un mouvement de valse : la participation des autres instruments teinte cet Allegretto d’une humeur presque ironique comme dans une parodie. Le finale est une cavalcade enjouée, Allegro molto, dont le départ est donnée par une sonnerie du cor et s’achève par une puissante affirmation de la tonique ré.