Skip to content

Créer un compte

Inscrivez-vous pour retrouver tous vos favoris et vos playlists

En créant un compte, vous acceptez les Conditions générales d'utilisation et la Politique de protection des données personnelles de B Concerts.

coeur-blanc-plein

Element ajouté à vos favoris

Voir mes favoris
coeur-blanc-plein
Retrouvez b•concerts sur : Deezer Spotify Podcast
Accueil

20 avril 2014, 20h

18e Festival de Pâques de Deauville - dimanche 20 avril 2014
Salle Elie de Brignac-Arqana -

Les interprètes : Lise Berthaud, Yann Dubost, Trio Les Esprits

Un concert viennois conçu autour du trio Les Esprits d’Adam Laloum, Mi-Sa Yang et Victor Julien-Laferrière prolongeait cette 18e édition du festival de Pâques de Deauville. Une vingtaine d’années seulement sépare les trois œuvres au programme, mais une transformation profonde du langage est nettement visible entre le Trio en mi majeur Hob.XV.28 de Haydn de 1795 et le Quintette « La Truite » de Schubert de 1819, où Lise Berthaud à l’alto et Yann Dubost à la contrebasse viennent prêter main forte à leurs camarades des Esprits. Chez Haydn en effet, on reste encore attaché à l’ancien modèle de la sonate pour clavier avec accompagnement, la délicate partie de piano en témoigne et nous montre surtout que Therese Jansen, la dédicataire de l’œuvre, était loin d’être une dilettante ! Autre indice qui nous fait regarder vers le monde d’avant, l’étrange Allegretto central où les cordes sont presque totalement absentes et qui progresse sur une basse obstinée que n’auraient pas reniée les maîtres du baroque. Avec l’Opus 121a de Beethoven, nous pénétrons dans un autre univers, celui de la variation virtuose pour ensemble de musique de chambre où l’insignifiance du matériau de base est prétexte aux plus folles excentricités. Dès la sombre introduction, on sent que ce voyage partant d’un air d’opéra à la mode « Je suis le tailleur Kakadu » nous mènera bien loin ! Ayant choisi leur nom en hommage à un autre trio de Beethoven, le Trio Les Esprits navigue ici en terrain connu. En cadeau après l’entracte, une des pages les plus rafraîchissantes de tout le répertoire chambriste avec la célèbre Truite de Schubert. Souvenir des virées estivales du groupe d’amis de Schubert, l’œuvre est admirable dans sa capacité à construire une vaste architecture d’une quarantaine de minutes en cinq mouvements à partir d’un petit lied composé par Schubert deux ans plus tôt. Tout ici évoque l’insouciance, et le piano sait se faire plus agile et ondoyant que la plus insaisissable des truites ! Cœur de l’œuvre, la série de variations sur le lied en question fait briller toute la joyeuse bande, en particulier le violoncelle (l’œuvre aurait été commandée à Schubert par Sylvester Paumgartner, violoncelliste amateur qui souhaitait jouer en toute liberté, ce qui explique certainement la présence de la contrebasse pour le décharger en partie de la conduite de la basse…). Jouer La Truite est en tout cas toujours une histoire d’amitié et de convivialité, la retrouver fréquemment au festival de Deauville est donc presque une évidence.

Ce programme viennois réunit trois compositeurs certes fort célèbres mais il allie le très populaire (le quintette La Truite) et le méconnu (Beethoven et, comme souvent, Haydn). Si la prolixité nous semble aujourd’hui suspecte, elle témoigne d’une envie perpétuelle de nouveauté qui obligeait les compositeurs à sans cesse écrire. Aussi Haydn, auteur d’une centaine de symphonies, de quelque soixante quatuors à cordes et sonates pour clavier, laisse quarante-cinq trios avec piano. Celui que nous entendons ce soir fut composé en 1795, comme les n°43 et n°45, à l’attention de Therese Jansen, une pianiste d’origine allemande installée dans la capitale britannique que le compositeur rencontra lors d’un de ses fameux voyages (les symphonies Londoniennes) à Londres. Elle devait avoir un réel talent à en croire la qualité et l’exigence de la musique rédigée à son attention (également des sonates). Le clavier peut d’ailleurs semblé privilégié dans ce trio, quasi soliste. N’oublions pas qu’à l’époque cette pièce fut éditée comme sonate pour piano avec accompagnement de violon et de violoncelle. Aussi est-ce naturellement cet instrument qui ouvre l’Allegro moderato sur un simple motif arpégé ascendant puis une mélodie descendante enrichi d’appogiatures, ces petites notes à jouer rapidement, et des pizzicatos des cordes. Malgré la simplicité du sujet qui restera le noyau de tout le mouvement, Haydn parvient à sans cesse le renouveler et le transformer : Beethoven n’est pas loin. Ce trio sans mouvement lent se poursuit avec un singulier Allegretto. En mi mineur, il débute par un unisson des trois instruments mais laisse très vite la parole au seul piano qui semble plonger sa main gauche dans le passé (une basse obstinée de passacaille) et la droite dans l’avenir (les sinuosités chromatiques, les tensions). Le Finale, Allegro, détend l’atmosphère et fait entendre un thème insouciant auquel répondra une partie centrale nuageuse, en mineur, avant le retour du soleil.

Beethoven a témoigné sa vie durant un intérêt marqué pour la variation qu’elle soit pour piano (des nombreux recueils sur des airs à la mode aux fameuses variations Diabelli sans oublier des mouvements de sonate), l’orchestre (le finale de la symphonie Héroïque) ou la musique de chambre (harpe, violon et piano, violoncelle et piano). Son esprit de bâtisseur n’avait pas son pareil pour transfigurer le thème le plus trivial ou échafauder la plus solide construction à partir de quelques notes (début de la symphonie n°5). En choisissant un air des Sœurs de Prague, opéra créé à Vienne en 1794 de Wenzel Müller (1759-1835), compositeur et chef d’orchestre aujourd’hui bien oublié mais alors très prisé, il avait exactement ce qu’il lui fallait : une mélodie très simple, voire banale, donc susceptible de subir les changements les plus hardis.
Il semble que Beethoven se soit intéressé à cette page dès 1803 avant de la réviser en 1816. Destinée au trio avec piano, elle s’organise en dix variations sur un air extrait du ténor Krispin (Acte I, scène 5) Ich bin der Schneider Kakadu (Je suis le tailleur Kakadu). Au lieu de faire entendre d’emblée le sujet puis de présenter ses variations, Beethoven y ajoute une longue introduction, tortueuse et dramatique, nouée de nombreux chromatismes (sol mineur, 4/4, Adagio assai). Aussi quand le thème apparaît (2/4, sol majeur, Allegretto, notes conjointes et répétées), il paraît presque ridicule. Il évoque un peu Ein Mädchen oder Weibchen de La Flûte enchantée de Mozart. Beethoven ne cessera pourtant de transformer ce matériau insignifiant vers des figures originales (Variation n°7 pour cordes seules) ou subitement plus sombres (Variation n°9 à nouveau en sol mineur) avant le panache du dernier épisode (6/8 puis 2/4).

C’est également la variation autour d’une mélodie facile, aux allures populaires, que s’organise le célèbre quintette La Truite de Schubert daté de 1819. Le compositeur utilise en effet comme motif à variations de son quatrième mouvement le lied éponyme qu’il avait composé deux années auparavant. Mais si le texte raconte la triste destinée du poisson qui finit suspendu à l’hameçon, il n’apporte au quintette rien d’autre que sa seule musique, aucun message ni orientation psychologique. L’humeur de cette pièce d’une quarantaine de minutes et divisée en cinq parties reste d’ailleurs globalement joyeuse, écho de vacances estivales insouciantes passées avec son ami le chanteur Vogl à Steyr, dans l’actuelle Haute-Autriche. Parmi les nombreux musiciens amateurs qui s’y retrouvent figure Sylvester Paumgartner, mélomane averti et violoncelliste : c’est à sa demande que Schubert écrivit ce quintette et se référa à son lied. L’instrumentation inclut le piano non pas dans un trio ou un quatuor comme c’était l’usage mais dans un quintette avec une contrebasse. Le clavier n’a pas le rôle d’un soliste concertant mais d’un musicien parmi les autres : sa texture se montre d’ailleurs très légère. C’est pourtant lui qui ouvre l’Allegro vivace introductif par un motif arpégé ascendant en triolets mais le premier thème, serein et pianissimo, revient au violon secondé par le violoncelle. Ces derniers présenteront ensuite le second sujet, plus animé, voire dansant, repris par le piano. Le piano, discrètement accompagné par l’alto énonce la première idée de l’Andante, ponctuée de notes pointées, sur un ton badin alors que le violoncelle et l’alto se chargeront de la seconde, plus étale et mélancolique. Après un vigoureux Scherzo, optimiste et sans arrière pensée, arrive enfin, Andantino, le thème de La Truite, confié au violon, suivi de ses cinq variations. Le piano se saisit de la première, l’alto et le violoncelle de la deuxième, décorée de guirlandes du violon, le violoncelle guide la troisième enveloppé du piano. La quatrième contraste par son mode mineur et son caractère tempétueux mais le violoncelle ramène le calme dans la cinquième section avant un Allegretto aérien qui finit sur la pointe des pieds. La même légèreté et la bonne humeur, états d’âme rarement associés au nom de Schubert, commandent le Finale qui ne semble rien chercher d’autre que le divertissement.

Afficher la suite
2014-04-20_35
20140420_2_3_660x380.jpg

À (RÉ)ÉCOUTER

Ludwig van Beethoven (1770 - 1827), Dix variations pour trio avec piano sur « Ich bin der Schneider Kakadu », op. 121a

REPLAY
---
---
--:-- / --:--