1er août 2018
Les interprètes : Quatuor Hanson, Brieuc Vourch, Shuichi Okada, Manuel Vioque-Judde, Adrien Bellom, Guillaume Vincent
BOHUSLAV MARTINU (1890 – 1959)
Quatuor n° 1 pour piano et cordes H. 287
En 1941, Bohuslav Martinu vit un rêve américain après avoir fui l’Europe en guerre. Accueilli à bras ouverts par les musiciens les plus réputés des États-Unis, le compositeur tchèque jouit d’une popularité à laquelle il ne s’attendait pas. Il peine cependant à s’habituer au rythme new-yorkais : « Ici personne n’a le temps de s’asseoir et de parler, les gratte-ciel n’existent pas encore pour moi, je regarde au plus vers le 11e étage ; il y a une telle abondance de toutes les choses que cela me donne le cafard. » Est-ce ce nouvel environnement qui le pousse à composer, en avril 1942, un Quatuor avec piano aux rythmes frénétiques ? Le premier mouvement de l’œuvre est parcouru d’ostinatos imperturbables, de sauts d’octave volubiles, de gammes enlevées qui circulent d’un pupitre à l’autre sans temps mort. On y trouve un passage presque baroque, avec des imitations rigoureuses et un contre-sujet pétillant, mais l’influence la plus notable est sans doute celle de Stravinsky, dans cet art de la mécanique infernale aux appuis changeants selon la métrique.
Le deuxième mouvement, Adagio, est d’un tout autre caractère : pendant soixante-treize mesures, le trio à cordes frottées évolue seul, avec un lyrisme qui met en valeur le legato expressif des archets. Le piano fait une entrée discrète sur un thème évanescent. Jusqu’au dernier accord, trio et piano semblent évoluer dans des mondes sonores bien distincts. Le finale prolonge cette séparation : le piano seul expose un choral chaleureux, doucement balancé, auquel répond le trio avec un sautillé moqueur. Le quatuor s’anime en une ronde tourbillonnante qui retrouve par instants la frénésie incontrôlable du mouvement initial. Après un retour au calme du choral, une ultime montée en puissance vient conclure l’œuvre en apothéose.
FELIX MENDELSSOHN (1809 – 1847)
Octuor pour quatre violons, deux altos et deux violoncelles opus 20
« Cet octuor doit être joué par tous les instruments dans un style orchestral ; les piano et les forte doivent être différenciés avec précision, et plus vivement accentués qu’il n’est d’usage dans les morceaux de ce caractère. » Si Felix Mendelssohn donne ces précisions pour interpréter sa musique, c’est que sa création est tout à fait originale : écrit par un compositeur de seize ans qui compte déjà deux quatuors et un quintette à son catalogue, l’Octuor est véritablement la première œuvre de musique de chambre à solliciter ensemble autant d’instrumentistes à cordes. L’effectif imposant confère à l’ouvrage une puissance collective inédite qui n’est pas sans rappeler les élans des symphonies mozartiennes.
L’architecture globale de l’œuvre et la clarté de l’orchestration inscrivent d’ailleurs l’Octuor dans la lignée du style classique. Le premier mouvement repose sur le traditionnel conflit entre deux tonalités différentes, caractérisées par deux mélodies contrastantes : une gerbe d’arpèges exubérants du premier violon donne le signal du départ ; un chant intime à deux voix, niché au cœur de l’octuor, s’efforce ensuite de l’attendrir. Au cœur du drame, on croit un instant que cette douce mélodie l’emporte… mais un orage grondant ramène le thème initial qui conclut bientôt l’Allegro d’une voix triomphante.
Sur un mode mineur propice à la mélancolie, l’Andante qui suit exprime des tourments enfouis. Dans cette page d’une grande douceur, Mendelssohn multiplie discrètement les motifs douloureux (notes répétées haletantes, retards dissonants, chromatismes dépressifs). Survient alors un de ces scherzos féériques qui deviendront la marque de fabrique du compositeur. Sa sœur Fanny décrivait ce mouvement en ces termes : « les frissons des trémolos, les échos des trilles qui jettent des éclairs scintillants, tout est neuf, étrange et pourtant si séduisant qu’il semble qu’un souffle léger vous élève vers le monde des esprits. » L’Octuor s’achève enfin sur un Presto endiablé qui fait appel à la virtuosité de chacun des huit instrumentistes sans exception.