3 mai 2019
Les interprètes : Quatuor Hanson, Ambroisine Bré, Raphaël Pagnon, Adrien Bellom, Simon Guidicelli, Théo Fouchenneret
GUILLAUME LEKEU
Adagio pour septuor à cordes
« Je me tue à mettre dans ma musique toute mon âme. » Ces mots du compositeur GuillaumeLekeu résument parfaitement sa courte vie, interrompue le lendemain de ses 24 ans par la fièvre typhoïde. Disciple de César Franck, Lekeu a laissé un bouleversant Adagio pour orchestre à cordes où transparaît son admiration pour la musique de Wagner : le dessin continu des mélodies rappelle le duo d’amour de Tristan et Isolde, l’émergence de violons dans l’aigu semble un écho de Lohengrin… L’oeuvre est donnée cette année à Deauville dans une version inédite pour septuor à cordes, commandée au jeune compositeur Julien Giraudet. Celui-ci s’est efforcé d’une part de maintenir l’impression de cohésion orchestrale en traitant les instruments par groupe, d’autre part de reproduire l’effervescence de l’effectif original « en démultipliant les actions, afin de concevoir avec cet ensemble réduit des textures se rapprochant de ce foisonnement ».
ERNEST CHAUSSON
Quelques danses pour piano opus 26
Quel contraste entre le Concert ou le Poème d’Ernest Chausson (respectivement opus 21 et 25) et les Quelques danses qui suivent pourtant de près ces chefs-d’oeuvre ! En 1896, le compositeur tourne le dos à l’école franckiste et à l’influence wagnérienne pour épurer son style sans cesser de convoquer des sources françaises anciennes, annonçant Le Tombeau de Couperin de Maurice Ravel. Les harmonies colorées de la « Dédicace » qui ouvre les Quelques danses ressortent avec une transparence délicate. Après une « Sarabande » au rythme pointé caractéristique, la « Pavane » fait entendre une écriture pianistique légère, presque naïve. Une « Forlane » virtuose conclut l’ouvrage, ne conservant de la danse baroque que sa vivacité et non ses appuis balancés.
ERNEST CHAUSSON
Chanson perpétuelle pour voix, quatuor à cordes et piano opus 37
« Je n’y comprends rien. Il s’agit d’un violent désespoir d’amour. Je ne suis pas du tout dans cette situation d’esprit. » En 1898, Ernest Chausson est au comble du bonheur personnel, ce qui n’empêche pas le compositeur d’écrire une « mélodie lugubre » des plus macabres : la Chanson perpétuelle. L’oeuvre suit les élans lyriques du Poème de l’amour et de la mer mais avec une intimité qui doit laisser de côté toute grandiloquence : le manuscrit précise que l’interprète doit chanter « dans le sentiment d’une chanson populaire. »
CLAUDE DEBUSSY
Quatuor à cordes opus 10
De même qu’il n’a signé qu’un opéra (Pelléas et Mélisande) ou qu’une symphonie (La Mer), Claude Debussy n’a écrit qu’un quatuor à cordes. Créé en 1893, bien avant la plupart des chefs-d’oeuvre qui ont fait du compositeur un père fondateur du XXe siècle, le Quatuor opus 10 est bien ancré dans le siècle des romantiques. Sa forme en quatre mouvements répond aux lois du genre, notamment dans les deux volets centraux. Avant un Andantino rendu intime par l’utilisation des sourdines, le deuxième mouvement est un scherzo non dénué d’humour : l’alto têtu ne fait que répéter inlassablement la même phrase et ses partenaires dansent en pizzicati moqueurs autour de lui. Debussy unifie son quatuor en utilisant un motif reparaissant : la phrase de l’alto provient de l’affirmation lancée en ouverture par le quatuor tout entier, véritable credo qui va connaître des déclinaisons dans le reste de l’ouvrage. Le compositeur l’emploie à nouveau au coeur du scherzo sous une forme étirée contrastante, étonnamment lyrique. Après une introduction lente, le finale se déploie selon une fugue alambiquée. Si le caractère très vif et la conclusion spectaculaire n’ont rien d’étonnant, Debussy colore son cheminement harmonique de teintes singulières, ouvrant la voie vers des explorations futures…