Claude Debussy
Couleurs orchestrales délicates, subtilité de la palette harmonique, motifs musicaux en perpétuelle évolution : la musique de Claude Debussy se reconnaît entre toutes. Au tournant du siècle, « Claude de France » fait ainsi partie de ces grandes figures qui font basculer la musique occidentale dans la modernité, de façon peut-être moins radicale que Schönberg, Stravinski ou Bartók, mais en tout cas tout aussi décisive. Dans cette France des années 1870 marquée par le traumatisme de la défaite de Sedan, le jeune homme entre à l’âge de dix ans au conservatoire de Paris où il étudie avec Marmontel, Lavignac, Franck et Guiraud, tout en affirmant très tôt une indépendance d’esprit farouche et une originalité qui lui vaut les foudres de ses professeurs. Après des stages d’été chez la baronne Nadejda von Meck, protectrice secrète de Tchaïkovski, où il parcourt l’Europe, la Russie et les livres, tout en déchiffrant tout ce qui lui tombe sous la main, Debussy reprend le chemin du conservatoire et désespère sa mère par son amour pour Maire Vasnier, honorable femme mariée de treize ans son aîné. Sans prix de Rome, nul salut à l’époque pour tout musicien français, Debussy doit donc s’y reprendre à deux fois pour décrocher le précieux sésame avec sa cantate L’Enfant prodigue, mais s’ennuie à mourir dans la ville éternelle. Ses envois romains (Zuleima, Printemps, La Demoiselle élue, Fantaisie pour piano) scandalisent les membres de l’Institut par leur bizarrerie. De retour en France, il élargit son horizon par la fréquentation des différents cercles artistiques de la capitale (Mallarmé, Pierre Louÿs, Verlaine, Huysmans…) et la découverte des musiques d’Extrême-Orient à l’exposition universelle de 1889. La décennie 1890 sera celle des premières œuvres marquantes, jusqu’au choc absolu de la création de Pelléas et Mélisande à l’Opéra-Comique en 1902 : Suite bergamasque pour piano (le fameux Clair de Lune, c’est ici…), les Nocturnes pour orchestre, son unique Quatuor à cordes, et bien sûr le Prélude à l’après-midi d’un faune, adoubé par Mallarmé lui-même. Entre vie personnelle agitée (le compositeur sera notamment très attaqué après la tentative de suicide de sa deuxième femme suite à la révélation de sa liaison avec Emma Bardac) et importante activité littéraire (signées « Monsieur Croche », ses critiques et réflexions au vitriol sur le monde musical ne passent pas inaperçues…), Debussy livre dans les années 1900 le meilleur de lui-même, et ce dans tous les domaines : La Mer, Images pour orchestre, Jeux, Images et Préludes pour piano, Children’s corner, sans compter de nombreuses pages de musique vocale (mélodies d’après Mallarmé, Villon, Charles d’Orléans). Au moment où éclate le conflit mondial, le compositeur est déjà très affaibli par un cancer dont les premières atteintes remontent à 1910, mais trouve l’énergie d’achever les visionnaires cahiers des Etudes pour piano et surtout trois des pages les plus achevées de toute la musique de chambre française avec la Sonate pour violoncelle et piano, la Sonate pour flûte, alto et harpe et enfin la Sonate pour violon et piano.