18 avril 2022
Les interprètes : La Fresque, Tristan Bronchart, Michel Raison, Joël Lasry, Marceau Lefèvre, Jonas Vitaud
GYÖRGY KURTÁG
QUINTETTE À VENT OPUS 2 (1959)
Tandis que l’insurrection de Budapest de 1956 et son écrasement par les forces soviétiques provoquent la fuite de György Ligeti à Vienne, György Kurtág reste pour sa part en Hongrie. Cela ne l’empêche pas de faire un passage par le Conservatoire de Paris où il suit les cours de Darius Milhaud
et Olivier Messiaen, qui l’éveillent aux techniques de composition utilisées à l’Ouest. C’est ainsi qu’on peut entendre l’influence d’Anton Webern dans les huit brèves pièces du Quintette pour instruments à vent op. 2. Composée en 1959, l’oeuvre montre un art de la miniature et une concision du discours qui doivent beaucoup au disciple de Schönberg, dès la ligne morcelée de la première pièce. La personnalité du compositeur hongrois reste cependant bien affirmée : la seconde pièce rappelle ainsi Bartók dans
ses effets bruitistes qui donnent l’impression d’une nature luxuriante.
GEORGES ENESCO
BURLESQUE POUR PIANO, EXTRAIT DES PIÈCES IMPROMPTUES OPUS 18 (1916)
Ce n’est qu’après la mort de Georges Enesco qu’on découvrit ses Pièces impromptues pour piano seul. Célèbre pour son talent de violoniste, Enesco montre dans cette série composée entre 1913 et 1916 un talent pianistique éblouissant, notamment dans la quatrième pièce du recueil.
Dans cette Burlesque d’une richesse et d’une densité impressionnante, on rencontre l’art rythmique taillé au cordeau d’un Stravinski, les articulations moqueuses et les harmonies colorées d’un Ravel, on croise une esquisse de valse, une main gauche alanguie comme sortie du Prélude
à l’après-midi d’un faune…
WITOLD LUTOSŁAWSKI
BUKOLIKI POUR PIANO (1952)
À l’image de son aîné Béla Bartók qui, comme lui, était pianiste, compositeur et pédagogue, Witold Lutosławski eut à coeur de transmettre le patrimoine musical de son pays en l’insérant dans ses compositions. Bukoliki est de celles-ci : le matériau de ces cinq courtes pièces provient directement de chants de Kurpie (non loin de Varsovie) collectés par
l’homme d’Église Władysław Skierkowski. Le compositeur polonais cite les thèmes originaux de manière très claire, tout en déployant un décor sobre (contrechants dissonants, harmonies singulières) qui en renouvelle la perception.
OLDŘICH FLOSMAN
SONATE POUR VENTS ET PIANO (1970)
Compositeur tchèque très en vue à partir des années 1960, Oldřich Flosman laisse une musique marquée à la fois par le folklore de son pays et l’influence des grands maîtres russes du xxe siècle. Cet héritage est tout à fait perceptible dans la Sonate pour vents et piano : l’écriture pianistique aride, entre basses profondes (premier mouvement) et doublures
cheminant aux deux extrémités du clavier (deuxième mouvement), rappelle Dimitri Chostakovitch ; en revanche, la polyphonie subtile de l’ensemble et les superpositions de tonalités ne sont pas sans évoquer Sergueï Prokofiev, auteur d’un Quintette op. 39 qui mettait déjà en valeur les instruments à vent. La forme générale de l’oeuvre montre la discipline formelle qu’affectionnait Flosman. Le compositeur tchèque reprend l’architecture des oeuvres de musique de chambre classiques et romantiques : deux mouvements vifs
encadrent un scherzo malicieux et un mouvement lent qui libère le lyrisme des instruments à vent. Quant au Finale, il s’agit d’une véritable fugue où le compositeur met à l’épreuve sa science du contrepoint… et la virtuosité de ses interprètes.
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GYÖRGY LIGETI
DIX PIÈCES POUR QUINTETTE À VENT (1968)
ÉTUDE POUR PIANO N° 6 « AUTOMNE À VARSOVIE » (1985)
« Ce qui est vraiment nouveau ici, c’est la possibilité de produire, à l’aide d’un seul interprète, l’illusion de plusieurs niveaux différents de vitesses simultanées », déclarait György Ligeti à propos de ses Études pour piano. Depuis toujours fasciné par la capacité à créer une oeuvre en
mouvement continu à partir d’une superposition de tempos différents et immuables, Ligeti synthétise son projet sur le clavier : dans « Automne à Varsovie », un dispositif d’accents minutieusement écrits sur la partition fait ressortir jusqu’à trois ou quatre lignes mélodiques simultanées, qui se précipitent vers le registre grave à autant de vitesses différentes ! Les Dix Pièces pour quintette à vent connaissent une trajectoire inverse. L’oeuvre se dirige progressivement vers l’aigu, ce que soulignent les changements d’instruments : ainsi, le flûtiste passe de la flûte alto à la flûte puis au piccolo, et le hautboïste du cor anglais au hautbois d’amour puis au hautbois. L’un après l’autre, chaque membre du quintette est mis en lumière dans des micro-concertos vifs, entre lesquels s’intercalent des intermèdes calmes. L’ascension vers l’aigu s’achève dans l’avant-dernière pièce où les instruments se relaient dans des tenues suraiguës de hauteurs très légèrement différentes. La dernière pièce fait entendre un solo de basson plein d’humour ; l’oeuvre s’achève sur un point final
désinvolte, sous lequel Ligeti a inséré une citation de Lewis Carroll : « … mais » – Il y eut une longue pause. « C’est tout ? » demanda Alice timidement. « C’est tout », dit Humpty Dumpty. « Au revoir. »
THIERRY ESCAICH
MECANIC SONG POUR QUINTETTE À VENT ET PIANO (2006)
C’est sur une discrète figure ornementale que s’ouvre Mecanic Song. Pendant une dizaine de minutes, Thierry Escaich montre ensuite toute sa personnalité, entre orchestration foisonnante et amour de la musique ancienne : le sextuor s’anime bientôt dans une succession de variations
qui se déploient tout d’abord par bribes, puis de plus en plus nettement ; alors apparaissent les contours de la structure harmonique sous-jacente, qui pourrait être celle d’un ground baroque. Après une section plus calme qui noie ce chant dans un halo mystérieux, l’ensemble progresse de façon menaçante vers ce qui s’avère finalement un scherzo enlevé,
presque facétieux. Le processus des variations peut alors reprendre jusqu’à la conclusion spectaculaire.