6 août 2019
Les interprètes : Pierre Fouchenneret, Lise Berthaud, Yan Levionnois, Amaury Viduvier, Ismaël Margain, Guillaume Bellom
ROBERT SCHUMANN
Sonate pour violon et piano n°2 opus 121
Ziemlich langsam – lebhaft
Sehr lebhaft
Leise, einfach
Bewegt
« C’est pour moi l’une des plus belles créations des temps présents par l’unité de l’ambiance et la grande expressivité des motifs ; elle est pleine de passion aux accents âpres et abrupts. » Premier interprète de la Sonate pour violon et piano n° 2 de Robert Schumann, le violoniste virtuose Joseph Joachim (1831-1907) synthétise à la perfection ce qui fait la force d’une des plus grandes œuvres du répertoire.L’envergure symphonique de la sonate ne nuit aucunement à son unicité romantique. Après une introduction fractionnée comme un cahier d’esquisses, le premier mouvement libère un souffle héroïque qui contamine le scherzo qui suit, plus épique que sautillant. Si la partie du violon est magnifiquement écrite pour mettre en valeur le lyrisme de l’archet, le piano n’est pas en reste. À l’image du jeu remarquable de la créatrice de l’œuvre (une certaine Clara Schumann), la partition du clavier ne se contente jamais d’un simple accompagnement harmonico-rythmique mais propose un contrepoint riche, en mille textures changeantes.Les deux premiers mouvements ont été encadrés par des accords particulièrement arides ; leur écho en pizzicati ouvre le Leise, einfach qui suit. Avec ses variations subtiles d’un choral lumineux, il s’agit d’un intermède miraculeux, plus schubertien que schumannien. Un finale puissant referme l’ouvrage, reprenant des motifs du mouvement initial avant de moduler vers une conclusion triomphale.
MAX BRUCH (1838-1920)
Quatre pièces pour clarinette, alto et piano opus 83
Compositeur mais également chef d’orchestre et professeur réputé, Max Bruch est resté actif jusqu’à un âge avancé. Dans sa 70e année, alors qu’il enseigne toujours à Berlin, il écrit un ensemble de pièces de musique de chambre qui mettent en valeur la clarinette… et qui permettent à son fils Max Felix, virtuose de l’instrument, de renouveler son répertoire. Deux ans avant un Double Concerto opus 88 pour clarinette et alto, les Huit Pièces opus 83 associent déjà les registres proches des deux instruments, au sein d’un trio que Mozart avait initié avec bonheur (« Les Quilles », K. 498).On retrouve dans ces pièces ce qui a fait la réussite de l’opus mozartien : les timbres chaleureux de l’alto et de la clarinette dialoguent sur un même ton, entremêlent harmonieusement leurs lignes mélodiques avec une expressivité toujours profonde. L’Allegro con moto n’est pas dénué d’agitation mais suit la même veine que la première pièce – un Andante tendre et noble, souligné très simplement par le piano. La troisième œuvre révèle davantage les instruments isolés : l’alto rhapsodique montre son panache et la clarinette touche par son lyrisme. L’Allegro agitato qui referme la première moitié du cycle s’évade dans des échappées héroïques qui rappellent les Märchenerzählungen de Schumann, écrits pour la même formation.
ROBERT SCHUMANN
Fantasiestücke pour clarinette et piano en la mineur opus 73
Zart und mit Ausdruck
Lebhaft, leicht
Rasch und mit Feuer
Aux côtés des deux grandes sonates pour clarinette et piano de Johannes Brahms, les Fantasiestücke schumaniennes font partie des chefs-d’œuvre romantiques où rayonne l’instrument à anche double. Tout en mettant à l’honneur la riche palette de la clarinette (depuis le velours des nuances piano à la brillance du registre aigu), ces « pièces de fantaisie » épousent une forme nettement plus libre que les sonates brahmsiennes. Les trois parties s’enchaînent ici sans rupture, tant sur le plan des tonalités que dans la construction mélodique et rythmique – Schumann ne cesse d’entretenir un double flux mêlant rythmes binaires et ternaires. L’ensemble de l’ouvrage gagne en intensité et en rapidité au fil du triptyque, passant insensiblement de la délicatesse initiale aux envolées impulsives de la dernière pièce.
FREDERIC CHOPIN (1810-1849)
Trio pour alto, violoncelle et piano en sol mineur opus 8
Allegro con fuoco
Scherzo. Vivace – Trio
Adagio. Sostenuto
Finale. Allegretto
Passionnante œuvre de jeunesse que ce Trio opus 8 de Chopin ! Élaborée entre les dix-huit et les vingt ans du compositeur, l’œuvre révèle l’influence de Beethoven dans l’utilisation, dès les premières mesures, de brefs motifs nettement caractérisés. L’impressionnante maîtrise du clavier est déjà visible, le pianiste se trouvant aux prises avec des traits parfois étonnamment virtuoses pour leur rôle ornemental. On note également la prudence du compositeur qui évite toute exploration du registre suraigu du violon pour favoriser l’homogénéité des cordes frottées. Dans une lettre qu’il adressera à son ami Tytus Woyciechowski quelques jours après la création de son œuvre, Chopin se demandera même s’il n’aurait pas dû remplacer le violon par un alto… C’est pourquoi ce Trio peut tout à fait accueillir un(e) altiste, comme ce soir.
Après un exorde volontaire, les deux archets montrent un lyrisme qui annonce les grandes heures de la future Sonate pour violoncelle et piano, elle aussi en sol mineur. Un scherzo intervient dès le deuxième mouvement. Il s’agit d’une parenthèse joliment candide, loin des dernières explorations de Beethoven ou Mendelssohn ; la mélodie solide et les appuis lourds rappellent l’esprit du menuet. Avec son refrain léger et entêtant, le dernier mouvement s’inscrit également dans la lignée des finales classiques. L’intrusion dans les couplets d’une sorte de danse cosaque ancre en revanche Chopin dans son siècle. Juste avant cela, un Adagio poétique a déployé une atmosphère rêveuse, belle promesse pour les nombreux opus à venir…