Gustav Mahler
Ses contemporains voyaient en Gustav Mahler le plus grand chef d’orchestre de sa génération, la postérité en a fait le plus grand symphoniste de l’histoire après Beethoven, celui qui a donné un nouveau souffle au genre en l’enrichissant notamment au contact du lied. Symbole de la Vienne d’avant-guerre, Mahler, le natif de Bohème, dut cependant patienter avant de retrouver la ville de ses études. Durant la décennie 1880, il gravite en effet dans cette Mittel-Europa dont il a saura le mieux transcrire les états d’âme en musique avec des postes de direction à Bad Hall, Ljubjana, Olmütz, Cassel, Prague, Lepizig et Budapest. Dès ses premières œuvres, le jeune musicien fait en tout cas preuve de sa forte personnalité, comme dans la grande cantate du Klagende Lied, les lieder de jeunesse inspirés notamment du recueil de poésies populaires du Knaben Wunderhorn, le cycle plus autobiographique des Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants d’un compagnon errant), sans oublier un poignant mouvement pour un quatuor avec piano, qui nous fait regretter que Mahler ne se soit pas plus intéressé à la musique de chambre. C’est à Leipzig, alors qu’il est assistant d’Arthur Nikisch qu’il achève sa Symphonie n°1 « Titan », première incursion dans ce genre qu’il va marquer de son empreinte, une page créée en 1889 à Budapest. En 1891, il accède à son premier poste prestigieux en devenant chef à l’opéra de Hambourg. Il y restera six ans, croisant notamment sur sa route un jeune chef nommé Bruno Walter. Faisant intervenir la voix humaine, les Symphonies n°2 et n°3 datent de cette période et montrent toute la science d’orchestrateur du musicien. La consécration officielle survient en 1897 quand il devient le directeur de l’opéra de Vienne. Il ne ménage pas ses efforts, ni ceux de l’orchestre et des chanteurs, et monte de nombreux spectacles par saison, ne pouvant consacrer à la composition que ses quelques semaines de vacances par an dans un petit village de Carinthie. Il parvient cependant à poursuivre régulièrement l’édification de son monument symphonique, notamment dans les Symphonies n°5, n°6 et n°7, écrites entre 1901 et 1905 et qui marquent un retour vers plus de simplicité en renonçant à la voix chantée. Le lied continue toutefois à l’attirer, puisque les deux cycles sur des poèmes de Rückert (Rückertlieder et Kindertotenlieder) datent de cette même période.
En 1907, alors qu’il travaille sur sa monumentale Symphonie n°8, Mahler traverse une crise profonde : il est affligé par la mort de sa fille, faisant du cycle des Kindertotenlieder (Chants des enfants morts) une œuvre douloureusement prémonitoire, perd son emploi à Vienne, notamment en raison d’attaques antisémites, et apprend qu’il est atteint d’une maladie de cœur incurable. Il accepte alors un poste au Metropolitan Opera de New York, puis à l’orchestre philharmonique de la ville. Il passe ainsi l’automne et l’hiver en Amérique, et revient en Europe pour les beaux jours, achevant Das Lied von der Erde (Le chant de la terre) et la Symphonie n°9. De la symphonie suivante, il ne pourra véritablement achever que le premier mouvement, et s’éteint en 1911 des suites d’une angine à streptocoques.