6 août 2021
Les interprètes : Raphaël Pagnon, Simon Iachemet, Amaury Viduvier, Tanguy de Williencourt
WOLFGANG AMADEUS MOZART
Trio pour piano, clarinette et alto « Les Quilles » K. 498
Aujourd’hui connue sous le nom « Les Quilles », le Trio K. 498 n’est cependant pas directement associé à ce sport que Mozart appréciait particulièrement et que son médecin lui avait recommandé, entre autres activités physiques, avant l’été 1786 ; l’oeuvre bénéficie en réalité de la proximité des Douze Duos pour deux cors K. 487, achevés une semaine plus tôt, à la fin du mois de juillet, et dont le manuscrit porte la mention « untern Kegelschreiben » (« tout en jouant aux quilles »).
Outre les jeux de plein air, Mozart vit alors un été des plus agréables chez le botaniste Nikolaus Joseph von Jacquin. Dans ce cadre idyllique, le compositeur s’empare volontiers de son alto pour jouer avec son élève, la jeune pianiste Franziska von Jacquin, et avec son ami le clarinettiste virtuose Anton Stadler – pour lequel il écrira plus tard son fameux Concerto pour clarinette. C’est ce qui explique la formation originale du Trio K. 498 : réunir l’alto et la clarinette n’avait rien d’évident, les deux instruments évoluant dans le même registre.
Ils ne se marcheront cependant jamais sur les pieds : dès le début de l’Andante doucement balancé et jusqu’à la fin du Rondo ensoleillé, les voix s’échangent les motifs ornementés en une discussion galante, parfaitement équilibrée – à l’image des belles soirées amicales de cet été 1786. Seul le coeur du mouvement central montre un semblant de tension au sein du groupe, l’alto se lançant dans un mouvement perpétuel inquiétant sous le motif plaintif de la clarinette… Le retour du menuet apportera toutefois la réconciliation attendue.
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JOHANNES BRAHMS
Trio pour clarinette, violoncelle et piano en la mineur (op. 114)
C’est la rencontre avec Anton Stadler qui avait poussé Mozart à composer pour la clarinette ; un siècle plus tard, c’est celle avec Richard Mühlfeld qui donne à Johannes Brahms l’envie d’écrire à son tour pour l’instrument. Ce n’est pas anecdotique : Brahms vient de prendre la décision d’arrêter la composition ! À l’invitation du directeur de la musique de la cour de Meiningen, Hans von Bülow, le compositeur « à la retraite » dirige alors l’orchestre local au printemps 1891. Au sein d’une formation qui l’impressionne fortement, la sonorité de Mühlfeld le convainc tant et si bien qu’il reprend la plume : il écrira non seulement le Trio pour clarinette, violoncelle et piano op. 114 mais également le Quintette avec clarinette op. 115 puis, quelques années plus tard, deux Sonates pour clarinette et piano op. 120.
Souvent laissé dans l’ombre d’un Quintette op. 115 autrement plus développé, le Trio op. 114 s’inscrit néanmoins dans la digne lignée du Trio « Gassenhauer » de Beethoven, conçu pour la même formation. La concision des mouvements et leurs oppositions de caractères en font une oeuvre singulière. Brahms ménage deux mouvements centraux d’une légèreté étonnante, qui contrastent radicalement avec la dramaturgie des mouvements extrêmes : l’Allegro initial se déploie tout entier à partir du bref motif entonné par le violoncelle seul et reste dans des tonalités sombres d’un bout à l’autre du mouvement, ce qui est également le cas du finale, agité et tourbillonnant. Au centre, le tendre Adagio voit le violoncelle et la clarinette s’envoler dans un duo lumineux, avant un scherzo calme et dansant qui rappelle les Liebeslieder Walzer du compositeur.