Wolfgang Amadeus Mozart
Maître incontesté de l’opéra et du concerto pour piano, Mozart trouva également dans le domaine de la musique de chambre un terrain fertile pour son inspiration, notamment après son renvoi mouvementé de Salzbourg et son installation à Vienne en 1781. Les années où le jeune garçon prodige éblouissait toutes les cours princières d’Europe par des dons musicaux hors du commun font désormais partie du passé, et le compositeur cherche à s’établir comme musicien indépendant, vivant de ses concerts et ses compositions (mais aussi beaucoup de ses leçons). La musique de chambre est donc souvent pour Mozart un moyen pour souffler entre la composition de deux opéras ou de concertos pour piano qu’il doit offrir sans cesse à un public viennois friand de nouveautés, mais aussi un lieu où notre musicien fait montre de tout son métier, dans des pages peut-être moins démonstratives et séduisantes au premier abord et qu’il destine à une audience de connaisseur.
Pour le quatuor à cordes par exemple, presque dix années séparent les essais de jeunesse des quatuors « milanais » et « viennois » du groupe des six quatuors dédiés à Haydn, sans conteste sa plus grande réalisation en musique de chambre. Fait inhabituel chez lui, plus de deux années de labeur entre 1782 et 1785 furent nécessaires pour mener la série à son terme, preuve de l’importance qu’attachait Mozart à ce travail pour se poser comme un digne héritier de Haydn. En la matière, le compositeur doit aussi souvent répondre à des commandes, comme lors de la livraison des trois quatuors dits « prussiens » (six étaient prévues à l’origine…) au roi Frédéric-Guillaume II de Prusse, violoncelliste amateur, et pour lequel Mozart a logiquement particulièrement soigné la partie grave du quatuor.
A côté de cela, les pages chambristes naissent parfois de mouvements d’amitié spontanée, telle cette mémorable partie de quilles qui engendra le Trio K 498 pour piano, clarinette et alto, ou encore le sublime Quintette K 581 pour clarinette et quatuors à cordes, toujours destiné à Anton Stadler, frère en maçonnerie et virtuose hors-pair de cet instrument encore neuf. A cette époque, en 1789, les premiers succès des années viennoises sont déjà loin, et Mozart compte déjà de plus en plus souvent sur la générosité de ses amis pour survivre, comme Michael Puchberg, qui recevra en retour les Trios pour piano, violon et violoncelle K 542 et 548 et surtout l’incomparable Divertimento pour trio à cordes K 563, peut-être le chef-d’œuvre le plus accompli du catalogue chambriste de Mozart. Lieu d’amitié donc, mais aussi lieu d’expérimentation : avec Mozart, les sonates pour piano et violon ou les trios pour piano, violon et violoncelle s’écartent du modèle de la sonate pour clavier avec accompagnement telle qu’elle se pratiquait à l’époque pour se diriger vers de vrais œuvres chambristes, où les rôles de chacun sont plus équilibrés, ouvrant dans ce domaine la voie à Beethoven et aux musiciens romantiques.