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20 avril 2012

16e Festival de Pâques de Deauville - vendredi 20 avril 2012
Salle Elie de Brignac-Arqana -

Les interprètes : Pierre Fouchenneret, Sarah Nemtanu, Adrien La Marca, Lise Berthaud, Bruno Philippe, Edgar Moreau, Victor Julien-Laferrière, Jérôme Comte, Jonas Vitaud

En voilà un beau cadeau d’anniversaire ! En ce 20 avril 2012, le Festival de Pâques de Deauville faisait entendre le mouvement lent du Kammerkonzert d’Alban Berg, une œuvre offerte à son maître Arnold Schönberg pour ses cinquante ans. Composée pour un effectif insolite (piano et violon solistes, entourés de treize instruments à vent), cette page fut réduite par Berg lui-même pour clarinette, piano et violon pour fêter… son propre cinquantième anniversaire. Une histoire de chiffres donc, mais surtout une histoire d’amitié, car l’œuvre mêle en musique les lettres du maître Schönberg, celles du camarade Webern et de Berg lui-même. Jérôme Comte, clarinettiste à l’Ensemble Intercontemporain depuis ses vingt-cinq ans, s’y démultiplie pour évoquer les timbres de tous les instruments à vent manquants, en compagnie des deux solistes initiaux, la violoniste Sarah Nemtanu, nommée quant à elle soliste à l’Orchestre national de France à l’âge de vingt-et-un ans, et le pianiste Jonas Vitaud.

Avant de prendre Berg pour élève, Schönberg affichait un pedigree impressionnant : presque autodidacte, il composait à vingt-quatre ans un « poème chambriste », La Nuit Transfigurée pour sextuor à cordes, et poussait ainsi le langage tonal hérité de Wagner et Strauss (et bien élargi déjà par eux !) jusque dans ses ultimes retranchements. L’argument était bien dans l’air du temps, dans une Vienne où le docteur Freud commençait à poser les bases de la psychanalyse. Sombre histoire d’adultère et de rédemption par l’amour : une femme avoue, de nuit, à son amant que l’enfant qu’elle porte n’est pas de lui… Il faut toute l’énergie d’une équipe soudée pour donner vie à cette partition touffue et complexe, et dont l’ampleur symphonique trouvera un prolongement logique dans une version pour orchestre à cordes que signera Schönberg en 1917. Sarah Nemtanu y joue les grandes sœurs et conduit d’un archet sûr les jeunes pousses du festival (Adrien La Marca, Victor Julien-Laferrière, Bruno Philippe…) vers les cimes expressives du jeune Schönberg.
Conservateur Brahms ? Non, selon Schönberg, qui signera notamment en 1947 un essai retentissant intitulé Brahms le progressiste pour montrer tout ce que sa musique doit à celle du maître venu de Hambourg. Tout sauf un hasard, le 1er Quatuor avec piano donné en cette deuxième partie de concert fut orchestré par Schönberg lui-même en 1937. C’est dire l’ampleur de la tâche qui attendait Pierre Fouchenneret, Adrien La Marca, Edgar Moreau et Jonas Vitaud, notamment dans un finale à la manière tzigane, virevoltant et virtuose, où Brahms semble se souvenir de ses folles années de jeunesse en compagnie du violoniste Eduard Reményi.

Ce programme réunit trois œuvres qui existent sous deux formes, l’originale et la transcription. Alban Berg a en effet réduit pour clarinette, violon et piano la section centrale de son Kammerkonzert (concerto de chambre) conçu à l’origine pour piano, violon et treize instruments à vent. Schönberg a, à l’opposé, développé sa Nuit transfigurée du sextuor à l’orchestre à cordes. Et c’est ce même Schönberg qui, grand admirateur de Brahms, donnera une version pour orchestre du quatuor opus 25. Il y a aussi l’amitié qui relie les deux premiers compositeurs. Berg composa en effet son Concerto de chambre pour les cinquante ans de son ancien maître auquel il associe l’autre disciple, Anton Webern. Les anagrammes musicales de chaque nom s’unissent ainsi dans cette œuvre où la loupe du détective n’est pas inutile pour en comprendre la complexité architecturale. Voici quelques pistes. Le chiffre trois structure ce concerto en trois mouvements comme le veut la tradition et il symbolise aussi le trio d’amis. Selon la notation musicale allemande, Alban Berg devient a b a b e g c’est-à-dire la, si bémol, la, si bémol, mi, sol. Un motif rythmique lié au prénom de chacun ajoute une troisième contrainte. Berg réussit à manier ces éléments plutôt communs, utilisés depuis toujours dans la musique, pour élaborer un concerto d’une impressionnante structure. Le premier mouvement recourt à la variation en inversant le thème principal, le deuxième à un palindrome et le troisième à une cadence virtuose, donc libre, confrontée à une forme symétrique.

Créé à Berlin en 1927 (deux ans après son achèvement) sous la direction d’Hermann Scherchen, le Concerto de chambre fera l’objet d’une réduction partielle que Berg s’adresse à l’occasion de son cinquantième anniversaire. Il a conservé le mouvement central qu’il confie à un trio (encore le chiffre trois). Le piano, quasi muet dans la version originale de cet Adagio, revient sur le devant de la scène en empruntant les parties des instruments à vent. Il semblerait que Berg rende hommage à la première femme de son maître, Mathilde Schönberg, par l’intermédiaire des lettres a, h, d et e c’est-à-dire la, si, ré et mi. La seconde partie, reflet en miroir de la première, évoquerait sa longue agonie et sa mort. Cet Adagio se termine en effet immer noch langsamer (toujours plus lent) et pianississimo.

La même ambiguïté entoure La Nuit transfigurée. La musique y est-elle « pure » ou, au contraire, « à programme » ? Quand Arnold Schönberg en entreprend la composition en 1899, le poème symphonique — cette histoire pour orchestre développée par Liszt — triomphait grâce à Richard Strauss. Schönberg tenta alors de le faire entrer par la petite porte de la musique Pour sous-tendre cette demi-heure passionnée, Schönberg a choisi un poème de Richard Dehmel (1863-1920) et lui a emprunté son titre. Il y fait évidemment nuit. Deux amants se retrouvent. La femme avoue à l’homme qu’elle porte un enfant qui n’est pas le sien. Il lui répond qu’une « chaleur singulière » qui circule entre eux deux « transfigurera l’enfant étranger ». Voilà pour le prétexte. La forme, en cinq parties enchaînées dans un seul geste, suit celle du poème et se termine par une coda qui synthétise les différents et les transforme pour « magnifier les merveilles de la nature qui ont fait de cette nuit tragique une nuit transfigurée » comme l’écrit Schönberg. Mais le compositeur précise également que l’auditeur peut totalement se soustraire à la narration car sa partition « n’illustre aucune action, aucun drame, mais décrit la nature et explique des sentiments humains ». Elle débute en ré mineur (le drame à venir) pour s’achever en ré majeur (le pardon et la transfiguration dans l’amour) et marque une nette coupure à mi-parcours. Sa sonorité comme le principe de variations à développement évoquent Brahms tandis que son chromatisme voluptueux rappelle Wagner. Comme si Schönberg voulait concilier les musiques d’hier et de demain ou s’il refusait de choisir. Aujourd’hui on s’étonne que cette œuvre, la plus accessible de son auteur par ses langueurs post-romantiques, ait causé un scandale lors de sa création à Vienne en 1902.

En 1861, Johannes Brahms compose conjointement deux quatuors avec piano. La notoriété du premier a presque occulté le second. L’irrésistible élan du finale, Rondo alla zingarese (à la tzigane, une référence familière dans la musique de Brahms) et son orchestration par Schönberg ont largement contribué à sa diffusion. Ce quatuor pour piano et cordes opus 25 mérite cependant d’être remarqué par sa puissance symphonique, le nombre et la force de ses thèmes, sa durée (presque trois-quarts d’heure) et, paradoxalement, son habilité à unir plutôt qu’opposer le piano et les cordes. Ainsi le début du premier mouvement donne-t-il d’emblée la parole au clavier mais il est aussitôt rejoint par ses compères. Le violoncelle expose dans l’aigu de sa tessiture la deuxième idée, très mélodique, tandis que les trois cordes à l’unisson se chargent d’entonner la troisième. Après l’éclat de ce premier moment, l’Intermezzo apporte le repos nécessaire et s’auréole d’un incontestable mystère (nordique ?). Il précède le vrai mouvement lent, Andante, qui, en comparaison semble pourtant plus agité (con moto) et fait la part belle aux cordes. Brahms permet aux artistes, dans l’immense finale semblable à une improvisation, de rivaliser d’imagination, de jouer avec les contrastes et de surprendre l’auditoire à chaque phrase.

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À (RÉ)ÉCOUTER

Alban Berg (1885 - 1935), Adagio du Kammerkonzert pour clarinette, violon et piano

16e Festival de Pâques de Deauville, vendredi 20 avril 2012
Sarah Nemtanu violon , Jérôme Comte clarinette , Jonas Vitaud piano
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