Gioachino Rossini
Heureux comme Rossini, amateur de bonne chère, adepte de bons mots, et surtout retraité dès l’âge de trente-sept ans ! Il faut dire que le musicien n’avait pas ménagé sa peine jusque-là : plus d’une quarantaine d’ouvrages lyriques produits en une vingtaine d’années sur toutes les scènes importantes d’Italie et à travers toute l’Europe. Après une rapide formation au Liceo musicale de Bologne, Rossini saute en effet les étapes. Il n’a que dix-huit ans lorsque son opéra La cambiale di matrimonio est représenté au teatro San Mose de Venise, et pour la seule année 1812, six nouveaux titres sont créés à Rome, Milan, Ferrare ou Venise (L’inganno felice, Demetrio e Polibio, Ciro in Babilonia, La scala di seta, La pietra del paragone, L’occasione fa il ladro). Certains accueils ont beau être moins chaleureux, Rossini est le nouveau prince de l’opéra, alternant avec bonheur chef d’œuvres bouffes ou sérieux. Composé en quinze jours, sifflé lors la première le 20 février 1816 au teatro Argentina de Rome, Le Barbier de Séville devient rapidement l’un des titres les plus courus de son auteur, parfaitement représentatif de la révolution opéré par le musicien en matière d’écriture : agilité et virtuosité des parties vocales, écrites jusqu’au moindre ornement, accélération du rythme dramatique par paliers (à l’échelle d’un air, ou d’un finale d’acte par exemple), recours fréquent à l’onomatopée, crescendos dévastateurs… De Vienne à Paris, une « rossinite aigüe » touche toute l’Europe. Signe des temps et d’une nouvelle respectabilité, Rossini cherche d’ailleurs moins à convaincre dans le domaine de la comédie pure, avec des titres comme Otello, Armida, Zelmira, Mosè in Egitto, Ermione, Maometto II, Semiramide. En 1825, il est appelé à Paris par Charles X et compose Il viaggio a Reims à l’occasion du sacre du souverain. Après quelques réadaptations de titres anciens pour l’Académie Royale de musique, l’échec relatif de son Guillaume Tell en 1829 provoque le retrait de Rossini des scènes lyriques, et bientôt son retour en Italie. Réinstallé à Paris dès 1848, notre musicien s’y éteint paisiblement vingt ans plus tard. Il compose toujours certes, mais seulement pour le plaisir, ainsi des truculents Péchés de vieillesse aux titres plus cocasses les uns que les autres (Mon prélude hygiénique du matin, Fausse couche de polka mazurka, Des tritons s’il vous plaît…), ou des plus sérieux Stabat Mater et Petite Messe solennelle. Il y a bien sûr beaucoup d’opéra dans ces deux œuvres religieuses, mais Rossini s’en sera toujours tenu à sa résolution prise avec Guillaume Tell de ne plus produire de nouvel ouvrage lyrique.