Alchimie du trio avec piano
3. Trois. Chiffre magique, hautement symbolique : la sainte Trinité, les trois Parques, les trois petits cochons… L’univers semble suspendu à cet équilibre ! On retrouve ce chiffre en musique : le trio pour violon, violoncelle et piano est un effectif incontournable de la musique de chambre. Cette formation reposait pourtant à ses débuts sur un équilibre
étrange : le violon suivait la ligne mélodique de la main droite du clavier,
et le violoncelle doublait la main gauche ! L’objectif était alors d’amplifier,
de développer le timbre de la sonate pour clavier. Cette conception apparaît encore dans le Trio n° 44 de Joseph Haydn, qui repose sur une écriture soliste et virtuose de la partie de piano.
Le xixe siècle
voit la formule évoluer, les instruments à cordes frottées se démarquant du
clavier : les débuts du Trio n° 2 de Robert Schumann ou du Trio n° 3 de
Johannes Brahms sont révélateurs de ce nouveau rapport de force, avec un duo violon-violoncelle soudé qui semble se révolter face à la puissance du piano. Cet affrontement sera poussé jusqu’au divorce par Thierry Escaich dans Lettres mêlées : les marteaux agressifs du piano semblent sourds à l’allongement docile des archets… L’œuvre bascule dans la folie avec son finale endiablé.
Un peu plus à l’Est, les compositeurs slaves nourrissent leurs trios de thèmes folkloriques, aussi bien Piotr Tchaïkovski dans son œuvre « à la mémoire d’un grand artiste » qu’Antonín Dvorák avec ses « dumky » (chants et danses populaires). Les générations suivantes seront marquées par ces ouvrages : à 19 ans, Sergueï Rachmaninov s’inspire de Tchaïkovski pour composer un premier Trio élégiaque au lyrisme poignant. Le Trio n° 1 de Dmitri Chostakovitch est aussi une œuvre de jeunesse, écrite à 17 ans par un compositeur étudiant au conservatoire de Moscou. Dans cette pièce étonnante, le jeune Dmitri semble hésiter entre suivre les élans romantiques de ses aînés et ouvrir une voie plus tortueuse…
Quelques années plus tôt, Maurice Ravel a écrit l’un des joyaux du répertoire : écriture subtile du piano jusque dans les extrémités du clavier, timbres variés des archets, entre frémissement des bariolages et transparence des harmoniques… On sort ébloui de son Trio en la mineur.
Impossible de conclure sans un hommage au trio Messiaen, récent lauréat du Concours International de Musique de Chambre de Lyon. Ces musiciens bien connus de music.aquarelle sont comme les trois Mousquetaires : un trio inégalable qui se déploie avec bonheur en quatuor, avec Raphaël Sévère à la clarinette ! Écoutez-les sans tarder.
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