Antonín Dvořák
Rien ne prédisposait le jeune Antonín Dvořák, modeste fils de boucher de la campagne pragoise, à devenir avec Bedrich Smetana l’un des pères de la musique classique tchèque. Les facilités du garçon sont telles qu’il poursuit très rapidement sa formation à Prague avant d’intègrer à vingt ans en tant qu’altiste l’orchestre du Théâtre provisoire de la ville. Ses premières œuvres dans les années 1860 sont alors fortement influencées par Wagner, et ce n’est que dans la décennie suivante que Dvořák semble trouver sa voie, après avoir démissionné de poste au théâtre en 1871 pour se consacrer pleinement à la composition. C’est l’heure des premiers succès, notamment celui des Danses slaves (première série en 1878), que l’éditeur Simrock commande à Dvořák sur les conseils bienveillants de Brahms. De Londres à Saint-Péterbsourg, l’Europe entière s’arrache notre compositeur, dont le langage mêle désormais idéalement une inspiration mélodique toujours renouvelée, avec des thèmes parfois issus du folklore tchèque, avec une science de l’architecture puisée dans les modèles du classicisme viennois. Entre 1892 et 1895, Dvořák vit son rêve américain en devenant le directeur du tout jeune conservatoire de New York et trouve dans les traditions musicales du continent la matière pour ses deux œuvres les plus connues, le 12e Quatuor à cordes dit « Américain », et sa fameuse 9e Symphonie dite « Du nouveau monde ». De retour au pays natal, Dvořák enseigne au conservatoire de Prague, avant d’en prendre la direction jusqu’à sa mort en 1904, tout en parachevant une œuvre considérable dans tous les genres : une dizaine d’opéras, neuf symphonies, cinq poèmes symphoniques, quatre concertos, de nombreuses œuvres de musique sacrée, un corpus pianistique aujourd’hui complètement négligé, et surtout un ensemble chambriste d’une rare qualité. On y trouve pas moins de quatorze quatuors à cordes (l’Américain donc, mais aussi les deux derniers, tout aussi beaux !), quatre trios avec piano, dont le 3e en fa mineur et surtout le célèbre 4e, où s’enchaînent six dumkys, danses rêveuses quasi-improvisées, faites d’humeurs et de tempos changeants, sans oublier les rayonnants 2e Quatuor et 2e Quintette avec piano, véritables condensés du style et du génie de Dvořák.